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hémisphères reçoivent annuellement la même somme de chaleur, on ne saurait conclure, selon lui, que leur température demeure la même, car il faut tenir compte du refroidissement déterminé par le rayonnement. L’hémisphère austral, dans lequel la durée totale de l’hiver dépasse de cent soixante-huit heures celle de l’été, doit subir par le seul fait de l’irradiation une perte et conséquemment un refroidissement bien plus considérable que celui qui résulte de l’abaissement de température dans notre hémisphère, et déjà Humboldt avait remarqué que la température d’un lieu ne dépend pas seulement de la quantité de chaleur qui lui est envoyée par le soleil, mais encore de celle qu’il laisse échapper par le rayonnement. M. Adhémar, prenant pour unité la chaleur émise par le soleil dans l’espace d’une heure, trouve à la fin de l’année que l’excès du calorique accumulé au pôle boréal est égal à la perte éprouvée par le pôle opposé, et que la différence totale d’un hémisphère à l’autre peut être exprimée par trois cent trente-six fois la quantité moyenne de chaleur que la terre reçoit du soleil en une heure. Ce nombre est ainsi égal à deux fois les cent soixante-huit heures qui composent l’excès de la durée de l’hiver dans l’hémisphère austral.

C’est aux physiciens de vérifier par de nouvelles observations le principe sur lequel repose cette théorie. Voyons provisoirement quelles conséquences on en peut tirer. Il est clair que tous les dix mille cinq cents ans, le grand axe de notre orbite ayant effectué une demi-révolution, la constitution climatologique des deux hémisphères sera notablement modifiée, car en moyenne pendant les hivers de la région polaire antarctique, étant considéré l’état où se trouve le globe aujourd’hui, il se forme plus de glace que dans l’autre région polaire : cette différence répétée durant plusieurs milliers d’années finira par produire une inégalité considérable. L’accumulation des glaces s’accélérera encore à raison du refroidissement causé dans l’atmosphère par le rayonnement, et il en résultera un déplacement du centre de gravité de la terre. C’est par un tel déplacement que M. Adhémar explique l’inégale distribution des eaux dans les deux hémisphères. Et qu’on ne dise pas d’abord que l’équilibre doit résulter de ce que la mer australe, plus étendue que la boréale, est par compensation moins profonde. Les sondages prouvent le contraire, et d’après les nombreux calculs du mathématicien français, un excès de profondeur doit nécessairement exister pour l’Océan dans l’hémisphère sud. Le monde austral est donc plus couvert d’eau que le nôtre, et cela s’explique naturellement, si l’on admet qu’il a été submergé, tandis que les terres boréales inondées à une époque antérieure sont actuellement sorties des eaux. En effet, il est à noter qu’on ne rencontre au-delà de l’équateur aucun lac profond, ni d’autres