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Tenons-nous-en donc aux dernières révolutions. Parmi les terrains connus jadis sous le nom de diluvium, il en est un qui offre une assez frappante unité d’origine et qui est désigné sous le nom de diluvium du nord. Il est caractérise par les blocs erratiques répandus dans les plaines de l’Allemagne, de la Pologne et de la Russie, blocs étrangers au sol de ces pays et qui paraissent arrachés aux montagnes de la Suède et de la Finlande. L’Amérique septentrionale présente également des fragmens de rochers qui selon toute apparence ont été apportés des régions polaires. Enfin les plaines de la Lombardie sont couvertes d’un nombre prodigieux de ces débris de toute grandeur, qui doivent évidemment leur origine aux montagnes de la Suisse. Les masses erratiques recouvrent de vastes contrées, et présentent même jusqu’à 60 mètres d’épaisseur ; elles affectent parfois la forme de collines allongées dans la direction du nord au sud ; d’autres constituent de vastes plaines presque horizontales. Des fragmens de rochers erratiques se trouvent disséminés à la surface et dans l’épaisseur de ces dépôts, où ils se sont enfoncés à des profondeurs diverses. Tantôt ils sont plus ou moins inclinés, tantôt ils sont verticaux, comme s’ils fussent tombés soudainement pour s’enfoncer dans l’argile. La nature des rochers erratiques indique d’une manière incontestable les points d’où ils ont été arrachés ; la multiplicité et les dimensions de ces débris prouvent que la force qui les a transportés devait avoir une incroyable énergie.

La route qu’ont parcourue les blocs erratiques est visiblement tracée par la ligne qui joint leur place actuelle à celle que marque le lieu de leur origine. Les débris qui recouvrent la Lombardie appartenant aux Alpes et ceux qu’on rencontre dans le nord de l’Allemagne étant de même nature que les rochers de la Suède, il est donc évident qu’ils se sont avancés du nord au sud. Les géologistes expliquent le transport de ces masses ou par l’ancienne extension des glaciers ou par de vastes courans d’eau charriant d’immenses glaçons qui les ont enveloppées, ainsi que cela s’observe encore lors des débâcles de glace dans le nord de l’Europe et de l’Amérique pour des masses pierreuses d’une grandeur beaucoup moindre. En effet, ces rochers présentent des traces d’usure, des stries et des sillons qui ont parfois une profondeur de 50 ou 60 centimètres, et qui ne peuvent avoir d’autre origine que l’action des glaces ou celle de courans charriant des glaçons et de la terre. Or il est à noter que ces stries et ces sillons ont presque tous une direction commune allant du nord-est au sud-est. Tout donne donc à penser que nous avons là les témoins de la grande débâcle qui s’est opérée du nord au sud : en Finlande par exemple, les monticules granitiques dont la surface est sillonnée et cannelée sont précisément ceux au-dessus