Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/946

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

e. Il permet au prévenu de conserver sa liberté moyennant caution, à moins qu’il ne s’agisse d’un crime. De plus, il interdit rigoureusement la détention hors des prisons publiques, et prescrit les mesures propres à la faire cesser. Enfin le code pénal réprime sévèrement tous les attentats à la liberté, quels qu’ils soient. S’ils sont commis par des personnes privées, le code pénal les condamne aux travaux forcés. S’ils sont commis ou même s’ils ne sont pas dénoncés par des fonctionnaires publics, les fonctionnaires publics encourent la dégradation civique, sans préjudice des dommages-intérêts. Les gardiens de prison qui se sont rendus les complices de ces attentats, en ne se faisant pas représenter l’ordre légal d’arrestation, ne restent pas non plus impunis : ils sont passibles d’emprisonnement jusqu’à deux ans et d’amende jusqu’à deux cents francs. Toutes ces dispositions semblent donner pleine satisfaction aux exigences les plus rigoureuses, et on peut se demander s’il n’est pas téméraire ou au moins superflu de vouloir les compléter et les réformer. Un examen plus approfondi dément ces apparences. Les articles du code qu’on pourrait invoquer avec le plus de confiance n’ont souvent qu’une valeur nominale. Tantôt ils se contredisent les uns les autres, tantôt ils laissent prise aux interprétations de la jurisprudence, qui en rétrécissent singulièrement les garanties ; tantôt enfin ils sont dépourvus de toute sanction, et sont réduits à n’être plus que des conseils stériles ou bien des menaces inoffensives. Le code d’instruction criminelle garde l’empreinte de son origine, il est resté conforme aux inspirations du législateur de 1808, qui était peu disposé à limiter au profit de la liberté des citoyens l’usage de la toute-puissance.

Pour s’en convaincre, il faut commencer par se rendre compte des dispositions prises par le législateur pour favoriser la détention préventive, c’est-à-dire la détention qui précède le jugement. En effet, la détention préventive, quoiqu’elle ne soit qu’une précaution, est laissée à la discrétion du juge toutes les fois qu’il s’agit d’un délit, c’est-à-dire d’un fait qui peut n’être puni que par seize francs d’amende ou six jours de prison. Le prévenu d’un délit, quel qu’il soit, n’a aucun droit à la liberté d’après l’interprétation qui a prévalu. D’autre part, s’il s’agit d’un crime, c’est-à-dire d’un fait qui peut être puni par la réclusion, les travaux forcés ou la peine de mort, le juge est obligé de priver le prévenu de sa liberté, quelles que soient les garanties données par le prévenu à la justice, malgré les témoignages favorables qui atténuent sa culpabilité et ne peuvent manquer d’adoucir sa condamnation. Ainsi, toujours armé contre la liberté du prévenu quand il veut l’en priver, le juge est désarmé quand il voudrait l’élargir. Il en résulte qu’en vue d’éluder la loi