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seules pourraient être traversées par la ligne d’Angers à Niort ; mais, parmi les lignes mises à l’enquête en ce moment, on trouve celle de Nantes à Limoges, qui tôt ou tard devra se construire ; elle passerait par Clisson et Tiffauges, et pourrait même emprunter la ligne d’Angers à Niort jusqu’au-dessus de Mallièvre. Cette continuation du chemin de fer tout le long de la Sèvre, qui se jette dans la Loire à Nantes même, semble indiquée par la nature.

La principale objection qui puisse être faite au tracé du chemin de fer par la vallée de la Sèvre, c’est qu’il ne rencontre aucune des sous-préfectures des trois départemens qu’il traverse, si ce n’est Cholet. L’objection ne sera puissante que parce qu’elle sera vigoureusement appuyée. Les villes présentent un centre d’influences tout formé ; les intérêts des campagnes se groupent difficilement. Les villes ont chacune leur avocat au conseil ; les campagnes n’en ont pas. Pourtant les sous-préfectures qui peuvent prétendre à se trouver sur la ligne du chemin de fer ont peu d’importance, et ne semblent pas devoir en acquérir. Lorsque le réseau des routes du Bocage a été tracé, on les a choisies pour points de croisement ; elles n’en sont pas devenues plus prospères. La campagne environnante a fait des progrès et s’est enrichie ; la ville est restée stationnaire, aucune industrie ne s’y est établie. Les localités qui possèdent des manufactures ne sont que des chefs-lieux de canton. Des deux tracés qui sont mis à l’enquête pour la ligne d’Angers à Niort, l’un est tout pour la Vendée et contourne le Bocage par Fontenay et Chantonnay ; l’autre est tout pour les Deux-Sèvres par Bressuire. Par les deux tracés, la partie la plus élevée du Bocage, celle qui est à cheval sur la limite des deux départemens, celle peut-être qui a le plus d’avenir, se trouve déshéritée. Ne serait-ce pas le cas d’adopter une ligne moyenne entre les deux tracés ? Celle de la Sèvre nantaise remplit cette condition.

D’ailleurs cette ligne favorise les intérêts de la compagnie d’Orléans ; la nature accidentée du terrain peut faire prévoir les difficultés que rencontrerait l’établissement de la voie qui est à l’état de projet. Le tracé par la Sèvre, bien qu’il rende nécessaires quelques sinuosités, sera le moins coûteux à établir, le plus fructueux pour l’avenir. Sur ce chemin, le pays intermédiaire doit fournir plus de transports que les têtes de ligne. La chaux, la houille, les grains, les bestiaux doivent à eux seuls entretenir un mouvement important. Les fermiers qui cultivent bien emploient aujourd’hui chaque année 10 hectolitres de chaux par hectare de terre qu’ils afferment. Il n’est pas douteux que, s’ils ont la chaux à petite distance grevée d’un faible prix de transport, ils ne préfèrent se la procurer de cette façon plutôt que de la faire charrier à de longues distances par leurs animaux. Ils trouveront bien à utiliser ailleurs les forces qu’ils dépensent aujourd’hui à faire ces charrois. Cela est si vrai que déjà quelques-uns. d’entre eux, à l’époque où les travaux agricoles sont pressans, aiment mieux payer à un roulier le prix du