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Il y a un peu plus d’intérêt à distinguer les espèces sauvages des espèces domestiques quand il s’agit des animaux. L’hybridation des premières a été longtemps niée, et l’est peut-être encore, par certains naturalistes. Toutefois M. Isidore Geoffroy, qui a cité et discuté sévèrement dans son ouvrage tous les exemples rapportés par divers auteurs, en admet un certain nombre comme bien démontrés. Or il résulte de cette discussion que la classe des oiseaux seule peut-être présente quelques cas de croisement fécond entre individus d’espèces différentes vivant en pleine liberté. M. Geoffroy, dont la parole emprunte ici une double autorité à ses études spéciales et à la tendance philosophique de ses doctrines, ne regarde comme authentique aucun des faits de cette nature signalés par divers auteurs chez les mammifères, et quant aux hybrides naturels des poissons décrits par les anciens zoologistes, ils ne sont aux yeux de M. Valenciennes que des espèces alors mal connues. Peut-être quelques-uns de ceux qu’on a cru trouver, en très petit nombre, chez les insectes méritent-ils de prendre place dans la science ; mais M. Isidore Geoffroy regarde comme plus que douteux tout ce qui a été dit à ce sujet des mollusques[1]. Aucun autre groupe du règne animal n’est indiqué comme ayant fourni des hybrides sauvages, si bien qu’en somme le chiffre des cas authentiques constatés chez les animaux est tout au plus égal à celui qu’ont présenté les végétaux.

Dès que la domestication intervient, les croisemens entre espèces différentes deviennent plus fréquens. Nous avons vu comment l’instinct et les fonctions de la reproduction étaient exaltés chez quelques-unes des races soumises par l’homme. Il n’est donc pas étrange de voir deux espèces voisines se croiser parfois, alors même que l’une d’elles seulement a subi l’action exercée par l’esclavage. C’est ainsi que nos chiens s’unissent de temps à autre au loup, nos chats à diverses espèces de chats sauvages[2], et ces unions sont fécondes. Des faits de même nature ont été maintes fois signalés chez d’autres mammifères et chez les oiseaux, mais ils se sont passés entre individus maintenus en captivité dans des ménageries, dans des volières, et rentrent par conséquent dans les cas d’hybridation artificielle, qui vont maintenant nous occuper.

De tout ce qui précède on peut conclure que, livrées à elles-mêmes, les espèces animales ou végétales ne se croisent que très

  1. A part toute autre considération, le témoignage de M. Isidore Geoffroy, lorsqu’il est contraire à des assertions émises au sujet de prétendus hybrides sauvages, doit avoir d’autant plus de poids, que ce savant, en rejetant les faits dont il s’agit, s’enlève en quelque sorte des armes à lui-même. Il est vrai qu’il lui en reste assez, et de bien meilleures, pour combattre les exagérations de la doctrine positive, contre laquelle il lutte dans cette portion de son livre.
  2. M. Isidore Geoffroy, en rappelant les faits de cette nature consignés dans les ouvrages de divers auteurs, en fait connaître de nouveaux.