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être attribué aux métis des races les plus voisines possible, et à plus forte raison aux métis de variétés. Ce désaccord nous apprend à lui seul que des deux parts on s’est laissé aller à des exagérations. Sans entrer dans des détails qui nous entraîneraient beaucoup trop loin, nous dirons que l’ensemble des faits très nombreux signalés par une foule d’auteurs conduit à adopter, à peu de chose près, l’opinion de M. Lucas, qui regarde toute union croisée comme devant donner naissance à un produit mixte, et la théorie rend facilement compte de ce résultat. On sait déjà que les deux sexes tendent à se reproduire dans leur descendant chacun avec tous ses caractères[1] ; on sait aussi que les divers caractères d’une race présentent, relativement les uns aux autres, une indépendance telle qu’il en est de presque indélébiles à côté de ceux qui se transforment le plus aisément. Lors donc que deux races se croisent, pour que l’une d’elles fût seule représentée dans le produit, il faudrait que tous ses caractères sans exception fussent d’une ténacité supérieure à celle des caractères correspondans de la race antagoniste. Or, si cette coïncidence n’est pas rigoureusement impossible, elle doit au moins être excessivement rare.

Sans donc nier d’une manière absolue qu’il puisse se produire des faits de ressemblance unilatérale[2], nous croyons qu’ils doivent être beaucoup plus rares que ne semblent l’admettre la plupart des écrivains. Dans bien des cas cités comme exemples de cette sorte d’hérédité, les observateurs ne mentionnent qu’un seul caractère, la couleur par exemple, et se taisent sur tous les autres. Souvent aussi les individus dont il s’agit n’ont été observés que peu après leur

  1. Cette règle, une des plus constantes de l’hérédité, est beaucoup trop généralement oubliée par un grand nombre d’éleveurs. Si son importance était mieux connue, on ne verrait pas surtout persister l’étrange engouement dont le cheval pur sang, le cheval de course anglais, est l’objet de la part de ceux qui veulent régénérer nos races chevalines dans un intérêt d’utilité publique. Cette race tout artificielle a été créée en vue d’un but unique qu’elle atteint admirablement. On lui demande de dépenser le plus de force possible dans le moins de temps possible Par cela même, elle est absolument impropre à rendre les services qui exigent des efforts soutenus pendant un temps considérable. Or l’étalon pur sang ne transmet pas à son poulain sa force seule ; il lui transmet aussi sa manière de dépenser cette force, sa délicatesse, son irritabilité nerveuse… Voilà pourquoi les croisemens de ce genre ont eu de si tristes résultats pour nos agriculteurs, comme l’a fort bien montré M. Richard du Cantal. Avec l’honorable vice-président de la Société d’acclimatation, on peut dire que l’anglomanie mal entendue des hommes qui exercent sur les questions chevalines une influence prépondérante a fait dépenser à la France plus de cent millions pour compromettre notre production. On assure que l’expérience va être tentée de nouveau. Nous ne craignons point de prédire que le résultat sera encore le même. Au reste, on sait très bien en Angleterre tout ce que nous indiquons ici.
  2. On a désigné par les mots de ressemblance unilatérale les cas où le fils reproduit les caractères d’un seul denses parens, par l’expression de ressemblance bilatérale ceux où le fils ressemble à la fois au père et à la mère.