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chez les hybrides féconds des espèces végétales après quelques générations. »

L’importance de cette observation n’échappera à personne. À elle seule, elle répond à tout ce qu’on a dit des chabins comme constituant une race. Certainement aucun éleveur, aucun jardinier n’appellerait de ce nom une série d’individus provenant, il est vrai, par voie de génération d’une double souche commune, mais que l’on sait devoir perdre pour ainsi dire à jour fixe les caractères mixtes qui les distinguent, pour reprendre ceux des premiers parens. Le savant, qu’il soit botaniste ou zoologiste, ne peut pas davantage désigner, une pareille série par le nom de race sans donner à ce mot une acception toute nouvelle. Cet exemple, le plus grave incontestablement de tous ceux qu’on pourrait nous opposer, ne fait donc qu’attester une fois de plus l’existence des lois générales communes aux deux règnes, et parmi ces lois il en est évidemment une qu’on pourrait nommer loi du retour, et qui tend à faire rentrer les séries hybrides animales ou végétales dans l’une ou l’autre des deux espèces qui leur ont donné naissance.

En résumé, partout, toujours nous avons vu que le métissage est facile et régulièrement fécond ; l’hybridation s’est montrée souvent fort difficile : la fécondité n’est chez elle que l’exception, et cette fécondité, sauf dans un seul cas, est constamment irrégulière[1]. — Partout, toujours les métis se sont montrés féconds entre eux, sauf, comme le dit M. Geoffroy, les vices individuels de conformation[2], à la façon des individus de même race ; toujours, excepté dans quelques cas individuels, la fécondité est diminuée chez les hybrides qui se propagent entre eux. — Sans que l’homme intervienne et souvent contre sa volonté, il se crée des races métisses ; en dépit de tous ses efforts, il n’a pu encore constituer une véritable race hybride comparable aux métisses. — Là est le grand fait général, celui qui résume et domine tous les autres. Dans l’état actuel de la science, il est impossible de citer une seule série ou un seul ensemble d’hybrides animaux ou végétaux qui se soient établis et qui se comportent comme se sont établis et se comportent les ensembles, les séries de métis, qui offrent de si nombreux termes de comparaison. Il est impossible de citer deux espèces réunies l’une à l’autre par ces mélanges de tout sang qui relient entre elles les races les plus disparates.

  1. En accordant que le croisement de l’âne et du cheval est aussi régulièrement fécond que les unions d’âne à âne ou de cheval à cheval, je crois encore faire une véritable concession.
  2. Il est évident que cette réserve s’appliquerait avec autant de justesse aux individus de même race unis entre eux.