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à vivre dans l’innocence et la vertu, — par la législation à vivre conformément aux lois, — par la théologie à marcher dans les voies de Dieu, — par l’astronomie à admirer la puissance infinie de Dieu, — par la connaissance de la nature à contempler l’excellente disposition de Dieu, — par la physique à nous servir des lois de la nature, — par les mathématiques à comprendre nos propres forces, — par la pathologie à connaître notre propre faiblesse, — par l’hygiène à vivre dans la continence et la sobriété, — par la médecine à en appeler contre la mort. — Par suite de notre science insuffisante, nous voyons encore aujourd’hui nos bois s’épuiser sans que nous plantions arbres ni haies, — nos prairies improductives sans que nous les soignions davantage, — nos plantes pharmaceutiques achetées par nous de l’étranger, — le thé acheté fort loin à prix d’or quand nous pourrions l’acclimater en Europe comme la rhubarbe. — Sans la science, nous ferions venir nos prêtres de Rome, — nos médecins de Montpellier, — nos architectes de Venise, — nos musiciens de Naptes, — nos comédiens de Paris, — et encore nos vaisseaux de Saardam, — nos habits du Brabant, — nos almanachs de Lûbeck, — nos choux et nos raves de Hambourg. — Sans la science, nous serions livrés aux charlatans : le genévrier porterait l’am-brette, — l’osier engendrerait le coton, — l’avoine se changerait en seigle, — le tungstène deviendrait perles, — la soie nous représenterait le fil des Parques. — Bien plus, il y aurait des fées derrière tous les buissons, — des fantômes dans tous les coins noirs, — des lutins, des feux follets, des esprits, et autres suppôts de Lucifer qui vivraient avec nous comme les chats. — Superstitions, sorcelleries et sortilèges voltigeraient autour de nous comme les mouches… — La science est donc véritablement la lumière pour les hommes errans dans les ténèbres. Par elle, ils se servent de leurs yeux pour voir, de leurs oreilles pour entendre… »

Mais nous n’avons pas dessein d’aborder ici une étude littéraire dont nous avons voulu seulement faire deviner l’intérêt, et nous revenons aux pages inédites dans lesquelles Linné a déposé l’expression de certaines préoccupations religieuses.

On voit dès le commencement l’auteur évidemment empressé de donner une définition exacte de l’idée dont il veut que son fils reste après lui convaincu. Dès le premier feuillet et au-dessous du titre, Nemesis divina, il écrit en latin : « Qui dit talion dit une distribution égale des châtimens suivant les fautes, ce. que les Grecs appelaient autopathia. » Et puis il cite les vers bien connus du poète romain :

Sœpe mihi dubiam traxit sententia mentem
Curarent superi terram, etc…

« Je me suis souvent demandé si les dieux faisaient attention à la terre… »

Suivant lui, la vengeance divine s’attache inévitablement sur la terre à certains crimes qui ne peuvent être réparés que par le talion. Tels sont le