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L’argument diplomatique et légitimiste a certes moins d’importance. Il consiste à établir et à défendre d’une façon abstraite les droits de la souveraineté par les titres écrits, par les traités. On fait ici une confusion contre laquelle la protestation du libéralisme est permanente. Les traités sont la loi souveraine des relations internationales. Répudier l’autorité des traités dans les rapports qui lient les peuples entre eux, ce serait effacer le droit des gens, proclamer l’état de nature et tout livrer à la force ; mais les traités qui obligent les souverains entre eux, les peuples entre eux, ont-ils la même autorité, la même vertu dans les rapports qui unissent un peuple à son souverain ? Les peuples sont-ils obligés de subir de mauvais gouvernemens, des pouvoirs qui se font détester, uniquement parce que ces pouvoirs ont été reconnus et sanctionnés par des traités internationaux ? En d’autres termes, cette portion du droit public qui s’applique à l’existence extérieure des états réagirait-elle du dehors sur le dedans, et enlèverait-elle aux peuples le droit de s’affranchir de mauvais gouvernemens ? les dépouillerait-elle de leur souveraineté Intérieure ? Les absolutistes ont essayé, par un impuissant paralogisme, d’édifier en doctrine cette absurde prétention : le libéralisme s’est toujours fait honneur de la repousser. Non, aucun libéral ne peut accepter cette invasion odieuse du droit des traités dans la constitution intérieure des états. Si tel est notre principe, nous n’avons plus, pour ce qui concerne Rome, qu’à le confronter avec le fait. Or là le fait est éclatant ; il n’est pas un apologiste du pouvoir temporel qui ne soit forcé d’avouer que la cour de Rome réunit contre elle l’immense majorité de la population romaine, qui ne soit contraint de reconnaître que le pouvoir temporel du saint-père tomberait à l’instant même où la dernière escouade de nos soldats rappelés franchirait l’enceinte de Rome. Il ne s’agit plus aujourd’hui de savoir comment s’est produit un tel état de choses, comment il eût pu être prévenu, à qui en revient la responsabilité. Sans avoir la prétention de faire la répartition des fautes et des torts entre les diverses influences qui ont concouru à ce résultat, nous disons que ces questions ne fournissent plus matière qu’à des thèses d’histoire, que le libéralisme européen est bien obligé de les prendre dans leur forme actuelle et pratique. Or devant un peuple qui veut avec un tel ensemble se séparer de son souverain, devant un souverain qui ne peut subsister que sous la protection de nos armes, l’hésitation n’est pas un instant permise au libéralisme français. Nous ne pouvons opposer à la volonté unanime d’un peuple l’obstacle de nos baïonnettes appuyant des prétentions fondées sur les traités. Comment aurions-nous fait dans le passé, où en serions-nous pour l’avenir, si nous prêtions le concours moral de notre opinion à une doctrine qui refuse aux peuples le droit de se défaire de leurs mauvais gouvernemens ?

Le troisième argument des adversaires de l’unité italienne est plus modeste que les deux autres ; il n’aspire point à l’autorité du dogme religieux et politique ; il est utilitaire. Il invoque en faveur d’un prétendu intérêt