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appartenait à l’Allemagne, et par conséquent devait contribuer aux impôts de l’empire. L’évêque répondit que l’Eyder était depuis les temps les plus reculés la frontière dano-allemande, que l’évêché du Slesvig dépendait du Danemark dans l’ordre temporel et dans l’ordre spirituel, ce que démontrait surtout ce fait que le droit danois était employé par tous les tribunaux du pays, et la cour camérale reconnut (1587) que l’évêché du Slesvig faisait partie du royaume de Danemark, et n’appartenait point à l’Allemagne. Ce qui était vrai de ces temps l’est aussi du nôtre. Sans doute la procédure et le droit pénal, qui forment la partie variable du droit, se sont fortement empreints d’élémens étrangers tout en gardant un fond national : mais le droit civil, qui est le noyau du droit, est resté absolument national : les emprunts étrangers y sont imperceptibles. Aucune codification générale n’ayant eu lieu dans le Slesvig pendant six siècles, cette province garde encore aujourd’hui l’ancien et vénérable code du roi Valdemar, connu sous le nom de loi jullandaise[1], avec les modifications et additions apportées successivement par la législation commune du Danemark et du Slesvig. Bien que cette loi émanât d’un pouvoir législatif, de l’assemblée de la nation siégeant à Vordingborg en Sélande avec la sanction du roi, elle n’était pourtant dans la réalité qu’un recueil des usages et des coutumes traditionnels de tout le Jutland septentrional et méridional, y compris le pays accessoire des Frisons, les îles de Fionie, de Langeland, d’Aïs, d’Aerö et de Samsö ; telle était l’étendue de ce qu’on appelait le territoire de droit jutlandais[2]. Bien plus, si l’on compare le droit encore aujourd’hui en vigueur dans le Slesvig avec deux monumens législatifs du Danemark plus anciens encore que la loi de Valdemar, — l’ancienne loi municipale de la ville de Slesvig, composée en danois à la fin du XIIe siècle, et le curieux livre terrier de Valdemar (Valdemars Jordebog), sorte de doomsday-book danois rédigé vers 1230, registre de toutes les possessions et de tous les revenus du roi dans le royaume, y compris le Jutland méridional, — on se convaincra que le droit actuel du Slesvig ressemble pour le fond, non-seulement à la loi de

  1. Jydske Lov en danois ; les Allemands la nomment Jütsche Lov ; ne substituant pas au mot danois, tant la tradition se fait respecter, leur mot Gesetz, La loi de Valdemar a été publiée dans l’année 1241, et a valu à ce roi le surnom de Législateur outre celui de Victorieux. Elle s’ouvre par cette maxime : Med lov skal land bygges, — le pays s’édifiera sur la base de la loi, maxime qui se retrouve dans les anciennes lois suédoises, et que le roi Charles XV a adoptée pour devise.
  2. Il y avait de même la loi de Scanie (province danoise jusqu’en 1660 et aujourd’hui suédoise) ; le livre sur les successions, Arvebogen : le livre sur les crimes qui ne peuvent être expiés par des amendes, Orbodemaal, recueils qui contenaient le droit en vigueur dans les parties orientales du Danemark, et qui avaient été rédigés au commencement du XIIIe siècle. Il y avait enfin le droit de Sélande, contenu dans deux recueils, la loi de Valdemar et la loi d’Éric.