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agricole les nobles leçons d’indépendance, de simplicité, de patience et d’énergie que ce travail donne toujours, le cultivateur perd le concours intellectuel et l’aide pécuniaire du propriétaire qui s’éloigne.

Une profonde et regrettable scission a donc commencé à se faire entre le château, trop souvent vide ou trop souvent étranger à la ferme, et les chaumières, jalouses de voir emporter à la ville presque tout l’argent qui se produit autour d’elles. Si cependant les hommes que leur fortune, leur instruction, leur amour du bien rendent aptes à exercer quelque influence intervenaient plus fréquemment et surtout plus directement dans le travail, dans la vie et dans les choses de la campagne, croit-on qu’un salutaire rapprochement ne s’accomplirait pas, qu’une merveilleuse direction ne serait pas donnée au courant des idées ? C’est dans l’ouest de la France que les châteaux et les riches résidences bourgeoises se trouvent en plus grand nombre ; c’est également là que les rapports se sont maintenus meilleurs entre le paysan et le grand propriétaire. Après la révolution de 1830, beaucoup de nobles bretons se retirèrent dans leurs terres, et, pour occuper leurs loisirs, se mirent à cultiver les champs ; or c’est de cette époque que date le mouvement de progrès accompli par l’agriculture en Bretagne. Faut-il exprimer toute notre pensée, tous nos désirs ? La franche acceptation de la vie rurale pourrait avoir d’autres conséquences que de simples améliorations agricoles : elle exercerait une salutaire influence même dans l’ordre moral et politique. Un meilleur accord finirait sans doute par s’établir entre les diverses classes de la société. Et les hommes politiques eux-mêmes ne serviraient-ils pas plus efficacement les intérêts de la France quand ils auraient appris dans la pratique des champs les vrais besoins de ce qui fait notre plus grande force et notre plus grande richesse : l’agriculture ?

L. Villermé.