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vives et prolongées dans toute l’Italie, et elles amenèrent des maladies pestilentielles. Rien ne manquait aux malheurs de l’empire d’Occident.

Stilicon avait voulu frapper en Afrique un coup prompt et sûr qui étouffât la révolte avant l’arrivée des secours promis par l’Orient et qui prévînt aussi les horribles exécutions de Gildon. Le Barbare en effet protestait que s’il était battu avec la connivence des villes romaines et obligé de faire retraite, soit du côté du désert, soit du côté de la Cyrénaïque, il ne laisserait pas pierre sur pierre dans Carthage, et réduirait en cendres tout ce qu’il rencontrerait de villes et de villages sur sa route. Ses troupes d’ailleurs n’étaient pas encore complètement réunies, et il avait transporté son quartier-général près de Thébaste, aux confins du territoire numide, pour y recevoir les contingens des tribus lointaines du désert. C’étaient des Barbares sans discipline, nus ou presque nus, et porteurs d’armes informes. L’aspect étrange de cette armée dut étonner au premier coup d’œil le soldat romain, sans l’effrayer pourtant. Ramas hideux de tout ce que l’Afrique nourrissait de monstres à figure humaine, elle présentait dans ses rangs, à côté de l’enfant cuivré de l’Atlas et du cavalier numide, ayant pour toute défense sa casaque roulée autour du bras gauche, des nègres aux cheveux crépus, armés de javelots empoisonnés, des Nubiens coiffés d’un diadème de flèches, des Nasamons, des Maziques, des Autololes, les uns vêtus de peaux de panthère et de lion, les autres empruntant leur costume aux dépouilles du serpent et portant sur leur tête, en guise de cimier, une gueule de céraste béante. Cette multitude ne formait pas moins de soixante-dix mille hommes. Les deux armées se rencontrèrent entre Thébaste et une ville nommée Métridéra, sur les bords d’une petite rivière. À l’aspect des Romains rangés en bataille, Gildon se mit à rire. « Quelle armée ! s’écria-t-il avec dédain ; ces Romains vont disparaître sous les pieds de nos chevaux, et les Gaulois fondront aux rayons de notre soleil ! » Il en fut autrement. Mascezel s’étant approché de la ligne ennemie pour haranguer ses compatriotes, un porte-étendard de Gildon voulut le repousser avec son enseigne ; mais Mascezel d’un coup d’épée lui engourdit le bras, et l’enseigne tomba à terre : ce fut le signal de l’engagement. Les cohortes nerviennes, les Joviens, les Herculiens, tous enfin s’avancèrent en bon ordre contre ces bandes, qui ne les attendirent même pas. Un petit nombre seulement essaya de combattre et fut mis en pièces. Gildon, voyant sa défaite accomplie sans espoir de revanche, gagna la côte sous un déguisement, et se réfugia sur une barque, que les courans de la mer et le vent poussèrent dans le port de Tabraca. Reconnu malgré son costume étranger, battu, chargé de chaînes et traîné devant un magistrat, il fut