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véritablement différentes ? Non. Nous ne pouvons que le répéter encore : les faits parlent trop haut, et quiconque en pousse un peu loin l’étude et l’analyse est inévitablement conduit à se rencontrer avec les monogénistes, fût-ce même sans s’en douter. Après avoir adopté, dans un premier travail fait en commun avec Gliddon, toutes les idées de son maître, Nott a consacré un chapitre qui lui est propre à l’étude de l’hybridité animale, considérée dans ses rapports avec l’étude de l’homme. Morton avait admis plusieurs espèces d’espèces, il admet plusieurs degrés d’hybridité caractérisés par le plus ou moins de fécondité des hybrides. Or, dans son quatrième et dernier degré, cette fécondité est illimitée (unlimited) ; on ne l’observe qu’entre espèces extrêmement voisines (closely proximate species). N’est-il pas évident que ces espèces si voisines qu’elles donnent par le croisement des produits indéfiniment féconds ne sont autre chose que nos races, les races de tous les botanistes et zoologistes européens ? Cela est si vrai, que l’auteur, voulant citer des exemples d’espèces chez lesquelles s’observerait cette sorte d’hybridité, ne rencontre sous sa plume que les mêmes groupes tant de fois signalés par nous comme présentant les phénomènes du métissage, les animaux domestiques et l’homme lui-même. N’y a-t-il pas aussi, dans ce rapprochement bien significatif, une preuve de plus qu’en arrivant par une voie quelconque, et même sans s’en apercevoir, à la notion de la race, il est impossible de ne pas considérer comme tels les groupes humains ? Mais le disciple de Morton s’est bien gardé d’employer les mots de race et de métissage, ou les équivalens ; il a conservé les mots d’espèce et d’hybridité, et grâce à la confusion de langage qui en résulte, il continue la discussion, et la soutient d’autant plus aisément qu’il ne se préoccupe plus guère de sa propre classification des degrés d’hybridité.

Tant qu’il s’agit des animaux, Nott exagère au point de les dénaturer, et toujours dans le sens de la fécondité, la signification des faits le plus facilement admissibles par les monogénistes les plus décidés. C’est ainsi qu’après avoir rapporté l’expérience à la fois incomplète et douteuse d’Hellénius, il conclut en disant : « Il est clair qu’on peut obtenir promptement et perpétuer une race mixte de mouton et de chevreuil en croisant ensemble plusieurs paires[1]. » Au contraire, dès qu’il s’agit de l’homme, tous ses efforts tendent à démontrer qu’entre certains groupes les unions sont difficiles, peu ou point fécondes, et que les produits ne se perpétuent pas. Ici l’auteur

  1. Dans une de nos précédentes études, nous avons montré que l’expérience d’Hellénins est parfaitement comparable à celles que Kœlreuter et tant d’autres botanistes ont faites sur l’hybridation d’espèces végétales parfaitement incapables de donner des races hybrides.