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Cette fantastique demeure.
Le jour il travaillait au palais souterrain ;
La nuit, de ton chevet éloignant le chagrin,
À tes pieds il passait une heure.

Que devient le scrupule en ton cœur prévenu,
Quand tu touches du doigt le péril inconnu,
Le songe et l’oracle funèbres,
Lorsqu’au travers du masque à la mort emprunté,
L’amour ouvrant ses yeux répand une clarté
Qui transfigure les ténèbres ?

O temple du plaisir ! Ici, par des vitraux ;
Le soleil, qui se glisse en de longs soupiraux,
Projette une lueur bleuâtre ;
Là, dans le pur cristal, des feux sont allumés,
Et de secrets flambeaux, dans les murs enfermés,
Éclairent les piliers d’albâtre.

Dans un air avivé par des courans secrets,
Les fleurs qu’aime la reine éclosent en forêts
Qui dérobent les flancs des vases.
Des flots où sont perdus des parfums enviés
En des bords de porphyre errent sur des graviers
De diamans et de topazes…

Allons, ouvre les yeux, ne crains pas qu’au réveil
S’échappent tous les biens promis par le sommeil.
Ils sont passés, les jours d’épreuve !
Ton amant de retour t’a rendu ta beauté ;
Enfant, sur ton visage au tissu velouté
Refleurit une pourpre neuve.

Vois, il est à genoux, et tu l’entends parler :
— Le rêve est accompli, tu n’as plus à trembler.
Nous avons passé par la tombe !
Assez, ô ma beauté, nous avons attendu ;
Qu’un voile entre le monde et l’amour suspendu
Sur nos félicités retombe ! —

Et la belle est crédule au joyeux dénoûment
Qu’à son rêve terrible a trouvé son amant.
Riant de ses peurs, elle blâme
Et l’esclave, et le prince, et leur duplicité ;
Et l’amant qui l’admire écoute sa gaîté
Chanter l’hymne d’épithalame !


ANDRE LEFEVRE.