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attendu la dernière heure, peut obtenir la concession. De là le dégoût et l’inaction de beaucoup de nos industriels, le juste effroi qui s’empare d’eux à l’idée d’une demande en concession de mines. De là l’exploitation restreinte aux seules mines déjà concédées et le peu d’empressement que l’on témoigne en France pour les recherches sérieuses de mines. Aussi en bien des points, de l’aveu même des hommes les plus expérimentés, nos richesses minérales sont-elles à peine connues, et des mines qui ont été, il y a des siècles, attaquées avec beaucoup d’ardeur, restent complètement abandonnées. On voit aussi des concessionnaires ne point exploiter leurs mines pour une raison ou pour une autre, et l’état, fermant les yeux, ne peut les déposséder. Le public est ainsi privé d’une richesse qui lui appartient. De pareils faits ne sauraient se produire en Californie, sous l’empire des principes d’équité naturelle qui ont inspiré la loi des mines.

Veut-on continuer ce parallèle entre le régime industriel libre des états américains et notre régime coercitif ou tout au moins centralisateur : la Californie nous offrira d’autres contrastes. Le premier mineur venu a le droit d’établir une machine à vapeur, une roue hydraulique : ni demande ni autorisation préalables ne sont nécessaires, excepté dans les villes, où les conseils municipaux ont établi des règlemens contre les ateliers insalubres, dangereux ou incommodes ; mais ces règlemens mêmes n’équivalent pas, comme dans certains cas en France, à une véritable prohibition, et grâce à la liberté avec laquelle les divers mécanismes, ces grands moteurs de l’industrie, peuvent être installés en Californie, il y a dans cet état autant de roues hydrauliques que dans bon nombre de nos départemens de France réunis, et, dans tous les cas, beaucoup plus de machines à vapeur dans les seuls moulins à quartz (pour l’amalgamation du minerai d’or), moulins à blé et scieries de bois, qu’il n’y en a dans plusieurs de nos départemens les plus industriels, si l’on en excepte deux, tout à fait privilégiés, le Nord et la Seine : encore le pouvoir en chevaux est-il supérieur en Californie[1]. Les machines n’y sont pas visitées par les ingénieurs

  1. Une liste authentique dressée le 1er novembre 1858 indique qu’il y avait déjà, à cette époque en Californie :
    Moulins à quartz 272, dont 153 mus par l’eau et 119 par la vapeur.
    Moulins à blé 135, — 73 — 62 —
    Scieries de bois 388, — 210 — 178 —
    Nombre d’établissemens 705, dont 436 mus par l’eau et 359 par la vapeur.


    Comme quelques-uns des établissemens mus par la vapeur emploient plus d’une machine, on admettra avec nous que c’est au moins 400 machines à vapeur qu’il faut compter. En estimant à 25 chevaux seulement la force moyenne par machine, c’est une force totale de 10,000 chevaux. En 1852, époque où s’arrêtent les renseignemens officiels que l’administration donnait au public sur la statistique de notre industrie minérale, cette même force n’était pour le département de la Seine que de 6,000 chevaux, et pour celui du Nord de 15,600 ; on dépasserait ce nombre, si l’on comptait en Californie la force en chevaux des machines fixes de toutes les fabriques, usines et manufactures.