Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/689

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’excise et les douanes exonérèrent plus ou moins le tabac, le café, le cacao, les vins et spiritueux, le vinaigre, les épices, les bois, la verrerie et presque toutes les matières premières à l’usage des fabriques. L’impôt sur le sel, qui avait été porté au taux énorme de 15 shillings par bushel (18 francs 75 centimes pour 36 litres), fut aboli en deux fois et n’a pas été rétabli depuis cette époque. En même temps, l’habile ministre remaniait une foule de règlemens surannés touchant le commerce et la navigation pour les rapprocher autant que possible du principe de liberté. Dans cet ordre d’expériences, l’assimilation complète de la Grande-Bretagne et de l’Irlande en matière de douanes, l’ouverture des Indes orientales aux vaisseaux, autres que ceux de la compagnie, jaugeant moins de 350 tonneaux, la révision des lois sur l’office des courtiers de marchandises, sur les primes d’exportation et les drawbacks, sur les entraves à l’émigration des ouvriers et à la sortie des machines, ont été des services considérables et plus appréciés de jour en jour.

Tant qu’Huskisson procéda par voie de tâtonnemens financiers, conservant l’équilibre des budgets, ménageant les abus érigés en droits, on toléra ses essais, on y applaudit même souvent. Rien n’était fait cependant, puisqu’on n’avait pas encore entamé le régime protecteur. Huskisson choisit pour ouvrir la première brèche l’industrie de la soie, et ce fut de sa part une habileté. La fabrication des soieries, que le pays ne pouvait pas classer au rang de ses industries naturelles et nécessaires, était le plus protégé de tous les métiers et un des plus arriérés. Une prohibition absolue écartait toute concurrence étrangère. Le public payait à des prix excessifs des marchandises médiocres à tous égards, et les producteurs criaient détresse. Puisque cette industrie ne donnait satisfaction à personne, il était à croire qu’on en pourrait modifier les bases sans rencontrer trop de résistance. Il ne s’agissait d’ailleurs que de remplacer la prohibition absolue par un droit protecteur de 30 pour 100. L’alarme se mit néanmoins parmi les classes intéressées au maintien du monopole : on y sentait instinctivement que les novateurs ne s’en tiendraient pas à une seule victoire, et qu’un principe ébranlé par un premier coup décline rapidement jusqu’à sa chute. Le parti conservateur s’organisa aussitôt pour la résistance, et par l’effet de ses évolutions le membre qui avait présenté en 1820 la fameuse pétition des marchands de Londres, M. Baring, prit à cœur d’introduire et de défendre les nombreuses suppliques où les fabricans de soieries affirmaient qu’ils allaient être inévitablement ruinés par la levée des prohibitions.

La réforme proposée resta pendant trois sessions à l’état de controverse parlementaire où éclatèrent plus d’une fois le génie et l’ar-