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s’est dispersée comme les autres, et maintenant c’est à qui fouillera les plus humbles demeures pour y surprendre un chef-d’œuvre isolé. Çà et là cependant vous retrouvez encore quelques débris de collections ; il en est même qui se forment et qui peut-être grandiront ; puis enfin, comme consolation, comme garantie d’avenir, vous avez deux grands dépôts publics, les musées d’Amsterdam et de La Haye, que personne, jusqu’à présent du moins, ne parle de livrer à la spéculation. Ces deux musées sont vraiment riches. Les maîtres principaux y figurent dignement, sans qu’aucun d’eux ait à rougir des œuvres qu’on lui attribue, et l’étude attentive de ces morceaux d’élite suffirait pour vous initier aux variétés et aux richesses de l’école hollandaise. Mais dirai-je que ce genre de service ne vous serait rendu par aucune autre galerie ? qu’il y ait là quelque chose de tout particulier, sans équivalent nulle part ? qu’à Dresde, par exemple, en mettant même de côté et Paris et Madrid, et Vienne et Saint-Pétersbourg, qu’à Dresde, pour étudier à fond les maîtres hollandais, il n’y ait pas des ressources encore plus abondantes, plus de choix, quelques pièces plus rares et plus distinguées ? Les Hollandais eux-mêmes ne le voudraient pas dire. Ce qui est unique, hors ligne, incomparable dans leurs musées, surtout dans celui d’Amsterdam, ce sont les grandes toiles. Quant aux petites, elles sont en général de la plus fine qualité ; les moins bonnes ne sont pas médiocres ; ce sont des perles d’un grand prix, mais non pas des trésors introuvables.

Voici au contraire quelque chose qu’aucun autre pays ne pourra vous offrir. Parmi ces anciennes familles qui, par ostentation ou par goût éclairé des arts, fondèrent, il y a deux siècles, à Amsterdam, ces galeries particulières, aujourd’hui disparues, supposez qu’on puisse en citer une où l’héritage paternel se soit, par grand hasard, religieusement conservé, et survive dans son premier état ; supposez qu’on s’engage à vous montrer dans leurs vieux cadres et presqu’aux mêmes places où l’ancien possesseur les avait suspendus, des tableaux faits pour lui, sous ses yeux, avec des soins particuliers et dans des conditions à peu près sans exemple, par les maîtres les plus célèbres de son temps, à la fois ses cliens et ses amis, ne penserez-vous pas qu’on abuse de votre crédulité ?

Eh bien ! ce n’est point un rêve : cette famille existe ; en insistant un peu, vous pourrez voir sa collection, ou plutôt vous en verrez deux, car l’ancien cabinet du bourgmestre Six, du protecteur, de l’ami dont si souvent Rembrandt a reproduit les traits, tantôt par le pinceau, tantôt par la gravure, ce cabinet s’est divisé par succession entre deux branches de la famille ; une moitié porte encore le nom du fondateur, elle appartient à M. Six ; l’autre à M. van Loon.