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qui tiennent pour le parlement, et ceux-ci riposter par le mot de « cavalier, » qui, pris dans notre langue, est comme une accusation d’être Français et catholique, — autant dire partisan de la reine et du pape, — plutôt que bon Anglais et bon protestant. Les choses allèrent ainsi s’échauffant jusqu’au 27 décembre, où, pour la première fois dans ces tumultes populaires, le sang allait couler.

Le 27 était un lundi : la saison sévissait avec une rigueur extraordinaire. Il n’y en avait pas moins, autour de Westminster, foule de peuple et surtout de ces turbulens apprentis qui ont leur place dans toutes les émeutes de la capitale anglaise. Ils étaient là pour assister au passage des lords, qui, à l’exception de vingt-deux, avaient refusé de se joindre à la pétition des communes relative au renvoi de Lunsford. Les vingt-deux ayant protesté publiquement, leurs noms étaient connus, et ce n’étaient pas les moins illustres de la pairie (Bedford, Northumberland, Pembroke, Essex, figuraient dans la liste). Aussi, quand l’un d’eux venait à passer, l’accueillait-on avec des cris de bénédiction et de joie. A good lord !… a good man !… let him pass !… Mais les autres, et plus particulièrement les évêques, en fort mauvais renom depuis quelque temps, étaient au contraire injuriés. L’un d’eux, Williams, l’évêque de Lincoln tout récemment promu à l’archevêché d’York, eut, je crois, sa robe quelque peu déchirée. Or il est bon de vous dire que, depuis le commencement de ces agitations populaires, le roi, soit à dessein, soit autrement, a laissé se former dans l’enceinte même de son palais de White-Hall une sorte de corps de garde où se réunissent en grand nombre les officiers de l’armée tout nouvellement licenciés, lesquels sont venus à Londres pour solliciter, soit la solde de leur paie arriérée, soit d’être employés dans l’armée qu’on doit former pour réprimer les troubles d’Irlande. Ce sont, la plupart, bravaches déterminés qui, se voyant bien accueillis à la cour, nourris aux frais de sa majesté, encouragés dans leurs offres de la servir, ont fondé là-dessus de grandes espérances. Ils méprisent naturellement le menu peuple, et dès qu’ils virent de quoi il retournait à Westminster, ils s’y portèrent en bon nombre, la main à l’épée. Des gros mots qu’ils échangèrent tout d’abord avec la vile rabble, ils en vinrent bientôt aux coups, et du plat de l’épée à se servir du tranchant, il n’y a pas aussi loin que de Paris à Pontoise. Le colonel Lunsford était là d’ailleurs, à la fois irrité de sa destitution et tout fier d’en avoir été dédommagé d’une manière éclatante par sa majesté, qui l’a fait chevalier et lui a donné cinq cents louis (ou livres) de pension sa vie durant. Vous pouvez croire qu’il ne prêchait pas la concorde, si bien que le tapage augmenta. Il y eut bientôt des blessés par douzaines. Les watermen de la Tamise, les matelots des vaisseaux ancrés dans le port, vinrent au secours de la populace et