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Soit que le danger ne leur fût pas assez nettement indiqué, soit qu’ils eussent résolu d’y faire tête, ils se présentèrent à la chambre vers une heure et demie, alors que l’on venait d’y apporter les réponses des innes of court à l’invitation du parlement de lui venir en aide. Ces réponses portaient en substance que « les innes of court ne séparaient point dans leur amour le roi de son parlement, et que, si elles avaient offert au prince, dans des jours de tumulte, l’appui de leurs membres, autant elles étaient disposées à secourir le parlement, s’il venait à être attaqué dans ses droits, » de quoi l’assemblée se montra satisfaite. Les cinq membres rentrèrent donc au moment où M. Nathaniel Fiennes (un de mes amis particuliers), rendant compte d’une promenade qu’il venait de faire aux entours de White-Hall, racontait sa conversation avec un des officiers qui étaient là en grand nombre et en armes. Il lui avait demandé par ordre de qui ils étaient assemblés, et l’autre lui avait répondu « qu’il leur était enjoint d’obéir en tout point aux ordres de sir William Fleming[1]. » Là-dessus s’engagea un nouveau débat vif et pressant sur le point de savoir si les membres accusés se devaient retirer ou non, et c’est à ce moment que, fort essoufflé, j’arrivai aux portes de la chambre. M. Nathaniel Fiennes, dès qu’il m’aperçut haletant et la figure bouleversée sur le seuil de la salle des séances, quitta son siège sur un signe que je lui fis, et quand je l’eus informé de ce qui m’amenait, alla sans retard prévenir le speaker, sur quoi M. Lenthal (c’est le nom de ce président) se leva, et sans autre préliminaire avertit la chambre a que le roi venait de quitter White-Hall avec une forte compagnie de gens armés, et qu’en ce moment il était proche du palais de Westminster. »

La motion débattue était : « attendu l’intention présumée où l’on est d’enlever de force cinq membres des communes, ordre leur soit donné, pour éviter tout tumulte, de s’absenter de la séance. » On y substitua tout aussitôt celle-ci : « attendu, etc.,… congé soit donné auxdits membres de s’absenter ; » ce qui fut voté sans débat. M. Denzil Hollis, sir Arthur Haselrig, M. Pym et M. Hampden, gens d’âge mûr et chefs de famille, sortirent tout incontinent de la salle des séances. M. William Strode au contraire, jeune et célibataire, se prit à dire fort haut « qu’il était innocent et le ferait bien voir, dût-il sceller sa parole avec son sang. » — « Partez ! partez ! » lui criait-on vainement de toutes parts, jusqu’au moment où l’un de ses plus chauds amis, sir Walter Earle, le prit au corps et l’entraîna de force vers une grande barque qu’on s’était procurée à la hâte, et qui les attendait au bas des degrés de Westminster.

  1. Arrêté, on l’a vu, par ordre des communes, mais que le roi depuis avait fait mettre en liberté.