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à lui en donner la présidence. Ce choix causait quelques ombrages et donna lieu à des négociations délicates. Faucher sentit que son nom était un embarras pour la compagnie : il l’en affranchit en envoyant sa démission. Son indépendance lui était plus chère que ses intérêts : quand elle était en jeu, il ne calculait pas ce qu’il pouvait y gagner ou y perdre. Des études de cabinet remplirent dès lors sa vie. On a vu quel était son goût pour les questions d’économie politique et de finances. Il avait passé en revue les difficultés qu’elles présentent à mesure que l’attention publique en était saisie : les associations, les coalitions d’ouvriers, les règlemens pour les heures de travail, les origines et les fondemens du droit de propriété, l’impôt sur les boissons. Dans les temps de crise, la Banque de France n’avait pas eu de défenseur plus énergique ni plus heureux ; il s’était mêlé à tous les débats où elle était en cause, pour l’émission graduelle de ses billets, les proportions de l’encaisse, le cours forcé, et dans ces difficiles sujets il n’avait commis qu’une erreur, en jugeant comme prématurée la reprise des paiemens en espèces. On a vu que nos lois de finances ne l’avaient jamais trouvé indifférent ; il avait feuilleté tous les budgets, même le budget socialiste, pour en tirer des enseignemens ou en signaler les périls et les vices. Il avait écrit sur le prêt à intérêts un des meilleurs chapitres que ce sujet ait inspirés, et sur la production de l’or des pages sensées et abondantes en recherches. Il avait enfin éclairé le procès de la liberté commerciale par une pièce importante où tous les argumens de ses adversaires étaient passés au crible d’une discussion solide et qui mettait à découvert tout ce que ces argumens avaient d’inexact, de superficiel et d’inconsistant.

Ce fut à ce cadre de travaux qu’il remit la main pour occuper les loisirs que lui laissait la politique. L’Académie des Sciences morales, dont il était membre depuis 1849, reçut plusieurs de ses communications, et les lecteurs de la Revue n’ont pas perdu le souvenir des études qu’il y a publiées. Les finances de l’Angleterre, de la France et de la Russie y étaient examinées avec une sûreté de détails, une vigueur de raisonnement qui témoignaient que cet esprit laborieux se mûrissait par la réflexion et par une surveillance constante sur lui-même. Mais pendant que l’intelligence se fortifiait d’une manière visible, les forces physiques allaient en déclinant. Faucher ne s’était jamais bien remis de cette affection du larynx dont il était allé chercher la guérison aux eaux des Pyrénées. Pour en détruire le germe ou en combattre la marche, il eût fallu plus de repos que n’en comportaient une imagination ardente et un besoin d’agir toujours éveillé ; il eût fallu garder un régime de silence et par-dessus tout une indifférence morale qui étaient incompatibles avec la viva-