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étaient employées à l’attaque et à la défense de la révélation. La controverse fut d’abord purement philosophique, les uns attaquant le christianisme comme contraire, les autres le défendant comme conforme à la raison, et les uns comme les autres, au milieu de ces débats, le réduisant de plus en plus aux proportions de la simple religion naturelle. La question était ramenée à un seul point, le miracle. C’est l’époque du déisme anglais, de cette école qui finit avec Hume et Bolingbroke. Après les argumens rationnels vinrent les argumens historiques. L’attaque avait cessé, le déisme avait fait son temps ; mais la théologie, faute de mieux, avait conservé le besoin de défendre, de prouver, de s’escrimer, et elle se mit à rassembler toutes les considérations propres à établir la thèse favorite de ce temps-là, le dilemme d’après lequel les apôtres ne peuvent avoir été ni trompeurs ni trompés. Paley, l’un des écrivains les plus purs et les plus élégans de l’Angleterre, est resté le modèle de cette apologie à la fois ingénieuse et insuffisante.

Toutes ces controverses du XVIIIe siècle nous paraissent bien vaines aujourd’hui, et elles le sont en effet, si l’on regarde à la valeur intrinsèque des argumens ; d’un autre côté, elles ont servi à montrer cela même qu’elles avaient d’insuffisant, et à poser les questions d’une manière plus nette, à les porter sur un terrain plus large. En voyant l’esprit humain se débattre sans résultat dans des discussions sur le miracle, sa possibilité, sa nécessité, sa réalité, sa valeur probante, on a fini par reconnaître qu’il y avait là en présence deux conceptions différentes du monde et de Dieu. De même les travaux si peu satisfaisans des Lardner, des Paley, sur le témoignage que les apôtres rendent aux faits évangéliques, ont appris à rassembler les documens d’une manière plus complète, à les étudier avec plus d’impartialité, à en fixer le sens avec plus d’exactitude.

Les sciences historiques ont fait un grand progrès lorsqu’elles ont appris à négliger les récits de seconde main pour puiser directement aux sources ; elles ont fait un pas non moins important lorsqu’elles ont compris que ce n’était point encore assez, et que, à l’érudition qui réunit les témoignages, il faut ajouter la méthode qui les classe, la sagacité qui les interroge, la rigueur qui en précise la portée et en détermine la valeur. C’est en cela que consiste la critique. Tout le monde sait aujourd’hui quelle révolution elle a opérée dans la science. Nous avions une histoire traditionnelle qui, au toucher de l’examen, s’est évanouie comme un rêve pour faire place, non pas toujours à une histoire mieux établie, mais quelquefois à des résultats simplement approximatifs, à des conjectures plausibles, quelquefois même à une ignorance dont le seul avantage est de se connaître. Il est inutile de rappeler ce que les cinq premiers siècles