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qui revêtent cette charpente et constituent la coque, et les mâtures, qui sont destinées à supporter les voiles et agrès. Tous les bois ne sont pas également propres à l’un ou à l’autre de ces usages ; il faut au contraire pour chacun d’eux des qualités spéciales. Pour les membrures, ce qu’on demande ayant tout, c’est la résistance. Un navire, qui, outre son armement renferme parfois jusqu’à dix-huit cents ou deux mille hommes, avec des approvisionnemens pour plusieurs mois, et qui, dans cet état, est exposé aux chocs incessans des vagues, réclame pour sa charpente des pièces de bois d’une force tout exceptionnelle. Le chêne est de toutes les essences indigènes celle qui remplit le mieux ces conditions ; mais il s’en faut de beaucoup qu’il les présente partout au même degré. Les chênes de l’Italie, de la Provence et du bassin de l’Adour sont surtout estimés. Grâce à une végétation plus rapide, ils ont un bois maigre et nerveux, préférable à celui dont les couches ligneuses, serrées les unes contre les autres, donnent ce qu’on appelle un bois gras. Toutes choses égales d’ailleurs, les arbres qui ont végété dans les terrains secs valent mieux que ceux des terrains humides, et ceux qui ont crû isolément ou sur les lisières des forêts sont supérieurs à ceux qui viennent de l’intérieur des massifs. On conçoit en effet que l’arbre exposé aux rayons du soleil et sans cesse agité par le vent acquière plus de force que celui qui végète à l’abri des influences atmosphériques.

Les différentes pièces qui forment la carcasse du navire ont toutes des noms particuliers, suivant la place qu’elles occupent et les fonctions qu’elles remplissent. La quille par exemple, qui se trouve à la partie inférieure du bâtiment, sert de base à tout l’édifice, puisque c’est sur elle que repose la charpente tout entière. Les varangues, s’appuyant sur la quille, forment, avec les allonges, les flancs du navire, etc. Parmi ces pièces, les unes sont droites et appelées bois droits ; d’autres ont une courbure uniforme et régulière, et sont désignées sous le nom de bois courbans ; d’autres enfin, les courbes, sont coudées et servent à relier les autres entre elles. Ces pièces sont donc toutes rigoureusement définies et ne sauraient être remplacées l’une par l’autre, puisque l’emploi qu’on en peut faire dépend à la fois de leur forme et de leur dimension. La forme caractérise le signal de la pièce, c’est-à-dire la partie du navire qu’elle sert à construire, tandis que la dimension caractérise l’espèce à laquelle elle appartient, c’est-à-dire la nature du bâtiment où elle peut être employée. Cette distinction est facile à comprendre. Toutes les pièces propres à faire des quilles portent ce même nom et appartiennent au même signal, qu’elles soient destinées à un vaisseau à trois ponts ou à une simple chaloupe ; mais, comme elles n’ont pas toutes les mêmes dimensions, elles sont d’espèces différentes.