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Des biens communaux exposés en vente ont été acquis par des propriétaires aisés qui, ajoutant au prix d’achat un capital dix ou douze fois plus considérable, ont bâti des fermes, semé et planté des bois, fertilisé des terres. De vastes domaines parfaitement exploités se sont ainsi formés aux mains de personnes opulentes, et rien n’a été négligé pour en augmenter la valeur. Ces efforts intelligens et soutenus ont été en général couronnés de succès. Néanmoins, pour faire entrevoir les mérites de l’œuvre accomplie, il faut signaler les obstacles qu’on a dû vaincre et les échecs mêmes qui ont précédé des tentatives plus heureuses. La fertilisation des landes de la Campine présente des difficultés dont l’agronome seul peut bien se rendre compte, qu’il importe de faire ressortir, afin qu’on puisse mieux apprécier le mode de culture adopté par les habitans de cette contrée ingrate et les procédés qu’ils ont mis en œuvre pour lui arracher leurs moyens de subsistance.

Quand l’homme se trouve en présence d’une terre qui spontanément se couvre de grandes herbes ou d’arbres vigoureux, comme par exemple, en Amérique, le bassin du Mississipi, il n’a nulle peine à lui faire produire ce que réclament ses besoins. Le sol renferme tous les élémens de la végétation : le cultivateur n’a donc qu’à lui confier les semences des plantes nécessaires à son alimentation ou à celle de ses animaux domestiques, puis à entretenir la fertilité naturelle, et il récoltera indéfiniment d’abondantes moissons. La force existe dans le sein de la terre, il suffit de la diriger. Mais si l’homme se transporte au milieu de landes stériles, les conditions sont bien différentes. Les plantes que le sol produit naturellement sont trop sèches, trop peu succulentes pour la nourriture du gros bétail ; on aura beau labourer le sable et lui confier la semence des grains dont on doit vivre, c’est à peine si l’on récoltera celle qu’on a jetée dans le sillon, quand par bonheur elle n’aura pas été noyée par les eaux ou brûlée par les feux du soleil. La force indispensable pour que la terre donne naissance à une ample production végétale lui manque : il faut donc la lui communiquer. Suffira-t-il de la retourner sans cesse, de l’imprégner, pour ainsi dire, de ses sueurs, pour lui donner les qualités qu’elle n’a pas ? Quel sera le point de départ de la rotation successive des récoltes et des fumures, le premier acte de cet enchaînement de productions et de restitutions que présente toute culture bien conduite ? Sous un climat plus propice, dans un terrain meilleur, un repos d’une ou de plusieurs années suffit pour rendre au sol la propriété de produire une récolte nouvelle ; mais ici ce qui fait défaut, ce qu’il faut créer tout d’abord, ce sont les élémens mêmes de la fécondité. On sait déjà comment le problème a été résolu en Flandre, grâce à l’association de l’industrie et de l’agriculture,