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existe, et nous préférons peut-être une facile inertie à la lutte, lors même qu’en la provoquant elle éviterait des dangers. La voix et les vœux du pays n’aiment pas à se faire entendre dans ces matières d’où la passion est absente, et la coutume que nous avions autrefois d’introduire cet élément de la passion en toutes choses nous a fait enlever, comme à des enfans qui auraient abusé de leur émancipation, le droit d’intervenir, au moyen de notre représentation nationale, dans l’étude et la discussion de tous les progrès qu’il s’agit encore d’accomplir. Le gouvernement prend donc seul le soin, au milieu de notre apathie, d’apporter proprio motu des changemens dans l’état des choses. Aussi a-t-on vu les mesures les plus graves en matière de finances et les expédiens les plus imprévus se produire sans que personne s’en fût occupé en dehors de l’administration gouvernementale qui les avait élaborés[1]. Ne pourrait-on pas trouver dans cette façon d’agir le germe d’une certaine inquiétude pour les opinions qui aiment la tranquillité et le statu quo, et ce germe ne se joindrait-il pas aux autres causes qui nourrissent d’une façon latente, pour ainsi parler, les élémens des crises financières ?

Les décrets du 24 novembre amèneront-ils une plus grande participation des représentans du pays dans les questions de finances ? On est en droit de l’espérer. La discussion du budget, les projets de loi pour la concession de nouvelles lignes de chemins de fer fourniront une occasion naturelle de traiter tous les problèmes qui sont posés, d’un côté par les besoins impérieux de travail et d’améliorations qu’a le pays, d’un autre côté par les embarras qu’entraîne la pénurie de nos ressources et de nos moyens d’agir. Quelle serait donc la base de la réforme qu’on pourrait accomplir ? quelles en seraient les conséquences ?


II

En nous ramenant à la situation qui a précédé la révolution de février, c’est-à-dire en reconstituant les banques départementales que le gouvernement de cette époque avait annexées à la Banque de France pour établir le cours forcé de ses billets[2], on n’aurait pas à notre avis réalisé un progrès suffisant. Ces banques, qui avaient un capital très faible, puisqu’il ne s’élevait en totalité qu’à 23,350,000fr., devraient maintenant fonctionner avec un capital beaucoup plus

  1. ) Les mesures contre la Bourse, les modifications apportées à la constitution du crédit foncier et du comptoir d’escompte, la création de la caisse des travaux publics et de la boulangerie, les lois sur les chemins de fer, etc.
  2. Le cours forcé a existé pendant deux années. On a appris qu’il subsistait encore le jour où, pour des raisons qui n’ont pas été expliquées, M. Fould l’a aboli.