Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes hors de combat, les Napolitains quatre mille environ. Parmi nous, chacun fit son devoir ; quelques Siciliens faiblirent, il est vrai, mais le hasard utilisa leur fuite en une sorte de stratagème qui, ainsi que je l’ai raconté, paralysa un mouvement dangereux de l’ennemi ; les Hongrois furent admirables et aussi les Suisses. Les Français furent ce qu’ils sont à la bataille, fermes, braves et gais ; leur petite compagnie, qui s’appelait la compagnie de Flotte, composée à peine de quatre-vingts hommes, avait été chargée de défendre une ferme qui protégeait les approches de Santa-Maria ; nos compatriotes ont combattu là tout le jour, sans reculer d’une semelle, sans être jamais entamés, et avec un entrain qui leur valut les éloges mérités de tous nos généraux[1].

Le 30 septembre était un dimanche. Une quinzaine de matelots appartenant à un navire de la marine royale britannique avaient obtenu la permission de descendre à terre pendant la journée, bien vite ils étaient accourus à Santa-Maria, s’y étaient naturellement grisés, et avaient espéré pouvoir partir le lundi matin pour Naples par le train de six heures ; mais à ce moment la bataille tonnait déjà dans la plaine. Les Anglais demandèrent des canons, on leur en donna ; on leur donna aussi un baril de vin, et ils firent bon usage du tout. On a dit que si les Piémontais n’étaient point venus à notre secours vers la fin de la journée, nous étions perdus. La vérité est que les Piémontais casernes à Naples n’ont point bougé de toute la journée du 1er octobre. Les seuls Piémontais qui combattirent au Vulturne sont trente-quatre artilleurs que, depuis sept jours déjà, on avait envoyés aux avant-postes comme instructeurs, car nous manquions absolument de canonniers. L’armée piémontaise ne fit acte de présence au milieu de l’armée méridionale que le lendemain 2 octobre, et voici dans quelles circonstances.

Garibaldi, couché, après la victoire, dans la chambre du curé de Sant’Angelo, reçut, le 1er octobre, vers dix heures du soir, une dépêche qui lui apprenait.qu’on venait d’apercevoir une colonne ennemie, forte d’environ cinq mille hommes, au nord de Caserte, dont les avant-postes occupaient même Monte-Briano et la Cascade, qui est à peu près à deux kilomètres du palais. Cette colonne était celle qui, le matin, n’avait pu s’établir à Maddaloni ; ne pouvant sans doute faire sa retraite sur Capoue, elle s’était jetée sur Caserta-Vecchia, position élevée que couronnent les ruinés de la vieille ville lombarde ; quelques prisonniers nous ont depuis affirmé que les royaux, croyant que nous avions été complètement battus à Santa-

  1. Leur conduite fut telle qu’il est question aujourd’hui de la rappeler par une inscription sur une tablette de marbre qui serait placée dans la ferme même où ils ont combattu.