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que ces deux premières, poussée ici à un degré qui constitue un-danger réel pour la santé publique ; et qui est tellement enracinée dans les mœurs qu’elle en fait partie intégrante. Naples s’est imprégnée ainsi d’une odeur spéciale qui soulève le cœur et qui est insupportable, surtout en été. Cette liberté dégoûtante, cette liberté du sommeil en public, de la mendicité et de l’ordure, est la seule liberté dont le peuple des Deux-Siciles pouvait jouir ; il en jouit jusqu’à l’abus le plus outrageant. Quant à la liberté morale, à cette liberté saine qui permet de penser et d’exprimer ses idées, elle était non-seulement combattue, mais vaincue absolument, et par tous les moyens possibles.

Au point de vue moral, l’état des esprits est encore plus bas. La plus simple notion de la justice est ici radicalement inconnue. Rien n’est un droit, tout est une grâce. Le gouvernement du bon plaisir a brouillé toutes les cervelles de ce peuple ; c’est tout au plus s’il a encore la notion du bien et du mal. Et cependant le recueil des lois napolitaines est excellent, supérieur à beaucoup de titres aux lois piémontaises, et le meilleur de toute l’Italie incontestablement ; mais à quoi servent des lois, même parfaites, lorsqu’on ne les applique jamais ? Il faudra bien du temps pour élever ce peuple à la vie sociale, à la vie civile, à la vie politique. La bourgeoisie aura là un grand rôle à remplir, et elle est assez intelligente pour s’en tirer à son honneur. Le plus beau et le plus riche royaume de cette riche et belle Italie est celui-ci ; que l’âme de la nation s’élève, et il n’y aura point de patrie comparable.

Les Piémontais s’avançaient par le nord ; nous-mêmes nous avions franchi le Vulturne ; quelques coups de fusil de ci et delà, quelques escarmouches, quelques coups de sabre entre hussards hongrois et cavaliers royaux, mais rien d’important ni même de curieux. Nous en étions arrivés à ce moment des drames militaires du Cirque-Olympique où, la pièce terminée, la toile se relève pour montrer les héros triomphans, couronne en tête, sur des nuages de carton éclairés par des feux de Bengale. L’heure lugubre des apothéoses avait sonné pour nous. Le 31 octobre, sur la place Saint-François-de-Paule, Garibaldi remit aux Hongrois les drapeaux que les Palermitaines avaient brodés pour eux.

Cependant le roi était venu visiter les avant-postes, et avec sa bravoure connue il s’était promené près de la place, fort paisiblement, malgré les coups de canon qui le saluaient à bonne portée. On somma Capoue de se rendre, elle refusa ; on mit des mortiers en position, et le 1er novembre, vers le soir, on commença le bombardement. Nul soldat garibaldien n ? y prit part. Le 2, au point du jour, oh renouvela le feu avec une intensité excessive ; à dix heures, la place capitulait entre les mains du général della Rocca. Neuf mille