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la troisième lecture du bill de sir John Trelawny, les non ont obtenu le même nombre de voix que les oui au milieu d’une chambre d’environ cinq cent cinquante membres. Le speaker, pour décider de la majorité, a été obligé de donner son casting vote, et il l’a donné aux adversaires du bill, c’est-à-dire aux tories. Le fruit de cette victoire n’est point seulement de montrer les progrès constans du parti tory ; elle permet à ce parti de faire de bonne grâce sur la question des church-rates des concessions auxquelles son nom sera attaché, et de terminer par un compromis honorable une des dernières controverses irritantes qui aient survécu au mouvement de réforme de ces vingt dernières années.

La mort du sultan Abdul-Medjid laissera peu de regrets dans le monde politique. Les folles prodigalités de ce faible souverain ont créé à la Turquie les embarras financiers qui à tout moment depuis deux années mettent son existence en péril. Sur un revenu de moins de 300 millions, le dernier sultan prenait jusqu’à une centaine de millions pour sa liste civile. Il n’est guère possible de rien dire encore de précis sur les facultés et les tendances que son successeur apporte au gouvernement. Ce qui est certain, c’est que le sultan Abdul-Aziz est une nature mâle et énergique, que ses mœurs viriles distinguent avantageusement de l’efféminé Abdul-Medjid. Le nouveau sultan, sous le règne de son frère, se montrait souvent à cheval dans les rues de Constantinople ; il était grand chasseur, et dirigeait lui-même l’exploitation d’une ferme. Sa vie était sérieuse. Ce qu’il faut avant tout à la Turquie, c’est une main vigoureuse : espérons qu’elle l’aura trouvée dans Abdul-Aziz.

E. FORCADE.


AFFAIRES D’ESPAGNE


L’Espagne semble traverser depuis quelque temps une de ces phases où sous les dehors d’une prospérité matérielle qui envahit heureusement le pays, qui s’atteste tous les jours, se cachent une ambiguïté de direction politique et une incertitude dont les polémiques des partis, aussi bien que les actes du gouvernement, sont l’expression confuse. En réalité, il y a une question qui grandit au-delà des Pyrénées, qui, après s’être fait jour dans les débats parlementaires, est encore incessamment agitée par la presse : c’est celle de savoir si le ministère du général O’Donnell, qui a maintenant trois ans d’existence, qui se formait le 28 juin 1858 pour porter au pouvoir une pensée de sérieux et large libéralisme, si ce ministère a gagné en sécurité et tenu ses promesses, ou bien s’il s’est borné simplement à vivre, ayant quelques bonnes fortunes telles que la guerre du Maroc et l’annexion de la république dominicaine, mais plein de perplexité entre les partis qu’il prétendait concilier, se laissant aller à la dérive dans la politique extérieure comme dans la politique intérieure, et voyant chaque jour diminuer le prestige de cette idée de l’union libérale, dont il avait fait son symbole, non sans