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marchait vers Fleurus, point de ralliement donné à tout le corps de Ziethen.

Un événement funeste, dans lequel plusieurs virent un mauvais présage, avait arrêté un moment la colonne de droite : le général commandant une des divisions du 4e corps, M. de Bourmont, avec son chef d’état-major et trois de ses aides-de-camp, s’était approché des avant-postes comme pour les observer ; mais là il avait congédié son escorte. On l’avait vu dans les premières heures du jour abandonner ses troupes et entrer dans les rangs ennemis. Il avait été conduit auprès du maréchal Blücher, et comme quelqu’un faisait remarquer que le général français avait déjà changé de cocarde, on rapporte[1] du maréchal prussien de rudes paroles pour condamner en soldat l’action dont il allait profiter en chef d’armée. Après un demi-siècle dans lequel nous avons honoré et couronné tout ce qui a réussi, cette défection est peut-être la seule qui n’ait pas trouvé parmi nous d’apologistes. Le bruit s’en répandit aussitôt dans le 4e corps ; la défiance s’augmenta chez les plus soupçonneux. Indignée et ne sachant sur qui faire retomber ses soupçons, cette colonne s’avança sans rencontrer l’ennemi ; mais comme elle avait le plus long chemin à faire, elle fut la dernière à atteindre la Sambre, qu’elle passa le soir sans obstacle à Châtelet.

Napoléon, arrivé à Charleroi, se trouvait au sommet de l’angle dont l’un des côtés formait la ligne anglaise et l’autre la ligne prussienne. Par la route de Charleroi à Bruxelles, il pouvait faire irruption au milieu des cantonnemens du duc de Wellington ; par celle de Charleroi à Fleurus, dans les cantonnemens du maréchal Blücher. Profitant du premier moment de surprise, il achèvera sans doute de partager l’ennemi ; le résultat sera de rejeter les Anglais sur l’Escaut, les Prussiens sur le Rhin. Ceux-ci s’échappant par les deux routes, l’une des divisions du général Ziethen s’était aventurée sur le chemin de Gosselies ; elle se trouvait coupée ainsi du reste de l’armée. Napoléon la fait suivre par la brigade de Clary, qu’appuiera bientôt la cavalerie légère de la garde, soutenue elle-même d’un régiment de la division Duhesme. Le reste des troupes engagées de Ziethen, c’est-à-dire la 2e division, après avoir abandonné Charleroi, s’était replié du côté de Fleurus, point de concentration assigné à l’armée prussienne ; mais bientôt cette division s’était arrêtée, voyant qu’elle n’était pas suivie. À deux heures, elle avait pris position au village de Gilly, la droite à l’abbaye de Soleilmont, la gauche vers Châtelineau. Par cette contenance assurée, elle donnait à l’armée prussienne le temps de se reconnaître et de se rassembler. D’ailleurs la 1re division, égarée dans la fausse direction de Gosselies,

  1. Voyez Siborne.