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et d’être obéi. Ainsi réfléchissez bien, car de cet homme va dépendre le sort de chacun.

Ayant dit cela, Jean-Claude descendit des tronces, et l’agitation fut extrême. Chaque village délibérait séparément, chaque maire proposait son homme ; cependant l’heure avançait, Catherine Lefèvre se consumait d’impatience. Enfin, n’y tenant plus, elle se leva sur son siège et fit signe qu’elle voulait parler.

Catherine jouissait d’une grande considération. D’abord quelques-uns, puis un grand nombre s’approchèrent pour savoir ce qu’elle voulait leur communiquer. — Mes amis, dit-elle, nous perdons trop de temps… Que vous faut-il ? Un homme sûr, n’est-ce pas ? un soldat, un homme qui ait fait la guerre, et qui sache profiter de nos positions… Eh bien ! pourquoi ne choisissez-vous pas Hullin ? En est-il un seul qui puisse trouver mieux ? Qu’il parle tout de suite et l’on décidera. Moi, je propose Jean-Claude Hullin. Hé ! là-bas ! entendez-vous ? Si cela continue, les Autrichiens seront ici avant qu’on ait un chef.

— Oui, oui, Hullin ! s’écrièrent Labarbe, Divès, Jérôme et plusieurs autres. Voyons, qu’on vote pour ou contre !

Marc Divès, grimpant alors sur les tronces, s’écria d’une voix tonnante : — Que ceux qui ne veulent pas de Jean-Claude Hullin pour chef lèvent la main.

Pas une main ne se leva.

— Que ceux qui veulent Jean-Claude Hullin pour chef lèvent la main.

On ne vit que des mains en l’air. — Jean-Claude, dit le contrebandier, monte ici… Regarde, c’est toi qu’on veut !

— J’accepte ! dit Jean-Claude d’un ton ferme. Que Materne le vieux, Labarbe du Dagsberg, Jérôme de Saint-Quirin, Marc Divès, Piorette le ségare et Catherine Lefèvre entrent dans la scierie. Nous allons délibérer… Dans un quart d’heure ou vingt minutes, je donnerai les ordres. En attendant, chaque village va fournir deux hommes à Marc Divès pour chercher de la poudre et des balles au Falkenstein.


VIII.

Tous ceux que Jean-Claude Hullin avait désignés se réunirent dans la hutte du ségare sous le manteau de l’immense cheminée. Une sorte de bonne humeur rayonnait sur la figure de ces braves gens. — Depuis vingt ans que j’entends parler de Russes, d’Autrichiens et de Cosaques, disait le vieux Materne en souriant, je ne se-