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voitures, semblables pour la forme à celles dont se sert le post office, attend le grand moment du départ. Ces voitures sont destinées à porter le premier tirage des journaux du matin vers les divers embarcadères de Londres ; il importe donc qu’elles ne manquent point le premier train. Les journaux sont quelquefois en retard à cause de l’heure avancée de la nuit où finissent les débats de la chambre des communes ; il faut alors que la vitesse des transports regagne le temps perdu. À peine les journaux ont-ils été divisés par lots suivant les diverses stations auxquelles ils sont destinés, que toutes ces voitures prennent leur volée, et elles sont si nombreuses que jamais, même aux heures les plus affairées de la journée, le pavé du Strand n’a été troublé par un pareil tonnerre. Les journaux de Londres arrivent ainsi dans les provinces avant même que les habitans de la capitale aient obtenu leurs exemplaires, et ils arrivent sans aucune augmentation de prix. Ils sont ensuite vendus ou distribués à domicile dans chaque ville, chaque village, par des hommes, des femmes, des enfans. C’est une autre branche d’industrie qui occupe des milliers de mains. La même maison, je parle de Smith and son, a établi en outre un cabinet de lecture voyageur, circulating library, qui envoie et loue tous les livres nouveaux d’une extrémité à l’autre du royaume par ses propres agens ou par l’entremise des étalagistes qui se trouvent déjà à presque toutes les stations des chemins de fer.

Il n’entre point dans le plan de cette étude de faire ici l’histoire de la presse anglaise : je ne m’occupe des journaux que dans leurs rapports avec le commerce du papier. On a calculé que le Times à lui seul pourrait couvrir chaque jour de ses feuilles imprimées la surface de plus de trente acres. Une publication hebdomadaire bien connue, l’Illustrated London News, expédia une fois cinq cent mille numéros doubles ou un million de feuilles. Cela représente pour les papeteries deux mille rames équivalant au poids de soixante-dix tonnes. Plusieurs causes ont contribué, dans ces dernières années, à accroître prodigieusement le nombre des journaux en Angleterre, et d’abord la révolution du bon marché. La première publication qui soit entrée dans cette voie est le Penny Magazine ; à un meeting pour faire avancer la science sociale, lord Brougham signalait un jour l’heureuse influence qu’avait exercée cette feuille sur l’éducation de la classe ouvrière. Il citait, à l’appui de son opinion, l’histoire d’un jeune artisan qui, ayant appris lui-même à dessiner d’après les gravures du Penny Magazine était devenu un artiste habile. Aujourd’hui la presse illustrée à un penny s’appelle légion ; elle s’envole chaque semaine par essaims dans toute l’Angleterre, et quelques-unes de ces feuilles, telles que le London Journal et le Reynolds’s