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quand on veut faire intervenir uniquement les forces inorganiques, la lumière, la chaleur, la gravitation, l’affinité chimique, l’électricité. C’est là, on peut l’affirmer, le côté capital des doctrines vitalistes. En dehors des forces mécaniques, physiques et chimiques, elles reconnaissent des forces spéciales aux êtres vivans qui servent aux premières de contre-poids et d’auxiliaires. Sur ce point, toutes les écoles vitalistes sont d’accord : elles ne diffèrent que lorsqu’il s’agit de définir les forces plastiques qui donnent la forme à l’être vivant. Barthez, le célèbre fondateur de l’école physiologique de Montpellier, ne reconnaissait qu’une force vitale, cause unique qui produit tous les phénomènes de la vie dans les corps humains ; mais la difficulté qu’éprouvèrent les vitalistes à définir sûrement le principe vital, à montrer comment il se distingue à la fois et du corps et de l’âme, fit qu’ils se sont bornés peu à peu à rechercher en face de chaque phénomène particulier la force particulière qui le produit. On fut conduit de la sorte à rejeter l’unité du principe vital, à localiser les forces vitales dans les organes divers, l’irritabilité dans le muscle, la sensibilité dans le nerf, etc. Une fois sur cette pente, on arrive aisément à regarder la matière comme susceptible de s’organiser elle-même, c’est-à-dire au matérialisme. C’est là en effet qu’est venu aboutir le vitalisme dans l’école de Paris, rivale de celle de Montpellier. L’organicisme est le nom barbare donné à la doctrine qui a longtemps régné dans l’Académie de Médecine de notre capitale. Suivant les adeptes de cette théorie, la force est une faculté propre, inhérente au corps organisé, une loi de la vie. Bien plus, c’est la vie elle-même, l’ensemble des phénomènes qui la composent : la force vitale n’est plus une cause, un agent propre à expliquer l’organisation, c’est un phénomène, un effet de cette organisation elle-même. M. Cayol, qui a longtemps défendu cette doctrine dans l’Union médicale, comparait la force vitale à l’attraction en disant qu’elle est la loi des corps organisés, comme l’attraction est la loi des corps inorganiques. La vie n’est ainsi qu’un effet, une manière d’être de l’organisme, comme l’attraction est la manière d’être des corps graves : la cause véritable, unique, est dans Dieu. On touche ainsi d’une part au matérialisme, de l’autre au mysticisme ; on accorde tout à la matière, mais on se couvre prudemment du nom de la Divinité.

Les discussions, d’abord resserrées dans le théâtre étroit où la vie semble confiner à l’âme et l’âme à la vie, sortent forcément de ces limites, et une logique invincible pousse certaines doctrines vers le matérialisme pur et simple, les autres vers l’idéalisme proprement dit. L’esprit de mesure particulier à notre pays retient d’ordinaire les esprits sur ces pentes fatales ; mais en Allemagne ils se laissent emporter sans résistance : les théories y revêtent des formes plus