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savoir de quelle façon les idées ont pris naissance et se sont développées dans le monde et la succession des temps.

La véritable analyse de l’âme n’est-elle pas toute dans une semblable étude ? N’y a-t-il pas un principe immatériel en action dans le cosmos, dans la plante, dans la bête, dans l’homme ? Comme des cercles de plus en plus étroits convergent vers un centre commun, ainsi toutes les forces que nous voyons en jeu dans le monde, sur la terre, dans les groupes des êtres organisés, se concentrent dans l’âme humaine comme dans un foyer. Il y a en nous plusieurs idées qui nous déterminent, l’une comme être organisé, l’autre comme animal, une autre comme homme ; ces idées ont une résultante unique, qui n’est autre que l’âme. C’est ce qu’ont bien compris les animistes ; seulement l’âme, telle qu’ils la définissent, possède toutes ces idées en propre, elle les crée, elle tire tout de son propre fonds. L’âme de Stahl bâtit jusqu’à ses organes, donne au corps la forme qui fixe le genre et l’espèce. Résoudre la question de l’âme dans ces termes, c’est trop sacrifier le général à l’individuel et méconnaître l’essence du principe idéal répandu dans le monde. Tout ce qui dans l’univers infini est une fonction du temps, tout ce qui a une histoire ne peut être que le développement extérieur d’une loi, d’une idée divine : exclu de l’infini dans le temps, ce qui revêt une forme ou une vie passagère y rentre par la pensée. L’espèce animale est éphémère, elle a un début et une fin ; elle pense ses propres lois dans ce que nous appelons l’instinct. Cette conscience collective se retrouve dans l’homme en tant qu’il appartient à une espèce animale particulière ; mais ne sent-on pas aisément que cette force spécifique, répartie entre des millions d’individus, n’appartient pas en propre à l’âme, comme le prétendent les stahliens ? C’est quelque chose qui s’impose à nous et nous vient du dehors. Comment appeler cet autre sentiment qui nous anime en notre simple qualité d’êtres vivans, appartenant à la création organique de notre planète, création qui a eu son commencement et qui aura sa fin ? Il ne faut rien dédaigner dans notre être intérieur : si ces manifestations sourdes et obscures de la vie n’éveillent pas en nous le phénomène de la conscience, elles n’en sont pas moins nécessaires ; elles sont la base, le fondement sur lesquels l’esprit personnel et libre élève son édifice hardi.

Il n’y a pourtant pas de doute que l’attention du penseur se portera toujours avec prédilection sur cette partie de nous-mêmes qui nous rattache directement à la vie de l’humanité et sur celle qui limite la libre personnalité, sur l’âme historique et sur ce que j’appellerai l’âme individuelle. Comment s’en étonner ? C’est dans ce domaine que s’agitent nos intérêts les plus chers et les plus pressans ; la cu-