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circonstances qu’elles traversent. Les gouvernemens de ces deux pays ne peuvent plus aujourd’hui se méprendre sur l’inefficacité et les dangers du système de violence qui a conduit les choses au point où nous les voyons. La Pologne comprimée n’est point une force pour la Russie, la Hongrie gouvernée contrairement à sa constitution historique est une cause d’affaiblissement et de ruine pour l’Autriche. À Pétersbourg comme à Vienne, ces faits reconnus devraient devenir le point de départ de politiques nouvelles. En même temps que l’on est amené à constater les conséquences funestes des vieux systèmes, on devrait, à Vienne et à Pétersbourg, se pénétrer d’un sentiment de justice qui serait seul capable de ramener à des idées de conciliation les populations désaffectionnées. Il faudrait savoir supporter sans colère les défiances de ces populations, défiances excitées par tant d’années de mauvais traitemens, et qui ne peuvent s’effacer en un jour. La longanimité, la tolérance, la patience, sont non-seulement le devoir, mais l’intérêt des gouvernemens de Russie et d’Autriche dans leur conduite envers la Pologne et la Hongrie. L’empereur Alexandre semble décidé à faire aux Polonais des concessions importantes. Il est certain pourtant que ces concessions ne satisferont point les Polonais : si le gouvernement russe veut arriver à une conciliation, il ne devra ni s’étonner ni s’indigner de l’opposition que rencontreront ses bonnes intentions. Il est des temps où il importe aux gouvernemens de savoir supporter les conséquences des fautes qu’ils ont antérieurement commises, et ce n’est qu’à ce prix qu’ils peuvent, s’il en est temps encore, regagner la confiance des peuples. Nous croyons que la réconciliation de la Hongrie avec le gouvernement autrichien présentait moins de difficultés au fond que l’apaisement de la Pologne. Il ne semble pas en effet que la majorité des Hongrois veuille réellement séparer les destinées de leur pays de celles de l’empire autrichien.

Peut-être le cabinet de Vienne eût-il dû moins chicaner sur les questions de légalité constitutionnelle ; peut-être si l’empereur, faisant bon marché des vétilles légales, se fût adressé avec cordialité aux sentimens généreux de la Hongrie, la transaction eût été facile à conclure. La question entre l’empereur d’Autriche et la Hongrie est celle des libertés contractuelles et des libertés d’octroi que le président de notre corps législatif a évoquée par hasard chez nous il y a peu de jours. Les Hongrois n’acceptent pas la constitution du 20 octobre, parce qu’elle est octroyée ; leur éloquent organe, M. Deak, ne partage point l’opinion de M. de Morny ; il préfère avec ses compatriotes le droit contractuel et historique aux concessions bénévoles de la couronne ; nanti d’un titre ancien et bilatéral, il ne veut pas l’échanger contre un titre nouveau, dans lequel la couronne s’attribue un droit constituant qu’elle ne possède point en Hongrie. Pour ramener à lui la Hongrie, l’empereur n’avait peut-être qu’à reconnaître le contrat sur lequel repose la constitution hongroise, et en même temps à demander l’ouverture d’une négociation avec la diète, afin d’introduire dans la constitution les amendemens exigés par le progrès des temps et par les nécessités de l’em-