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Elle est formée de 15,000 membres, fort inégalement répartis d’ailleurs parmi les divers états de la confédération. La Prusse fournit à elle seule la moitié de ce nombre. La Bavière et le Wurtemberg y ont peu de représentans. Les Hesses, Bade et Nassau y figurent au contraire pour une grande part, si l’on compare le chiffre des membres qu’ils comptent dans l’association à la population de ces petits états.

C’est une coïncidence étrange qu’au moment où de grands états en Europe sont ébranlés ou inquiétés par les antagonismes de races qui existent dans leur sein, les États-Unis travaillent à s’approprier et à perpétuer chez eux un des maux qui inquiètent le plus douloureusement la vieille Europe. La difficulté de la Russie et de l’Autriche est de dominer sur deux nations qu’elles ont conquises par les armes, qu’elles se croient obligées de gouverner comme des pays conquis, et qu’elles sont, pour le moment du moins, hors d’état de conduire à une civilisation supérieure. Dans la phase où sont engagées maintenant les hostilités entre le nord et le sud de l’ancienne Union américaine, le gouvernement du président Lincoln se crée une tâche non moins pénible que celle qui pèse sur les gouvernemens européens dont nous venons de parler. Sans doute, si le nord eût eu une organisation militaire puissante, s’il eût pu opérer rapidement et pénétrer au cœur des états séparés, peut-être eût-il réussi à provoquer dans ces états quelque manifestation favorable au maintien de l’Union ; on eût pu traiter la sécession comme l’œuvre d’un parti rebelle qui aurait dominé par la force la masse de la population demeurée loyale, et l’union se fût promptement et facilement rétablie par la défaite du parti vaincu. Aujourd’hui il est impossible de nourrir de telles illusions sur la portée et la durée de la lutte. Les sommes colossales et les énormes contingens d’hommes que le président a obtenus du congrès pour continuer la guerre annoncent assez que l’on croit à une lutte difficile, coûteuse et prolongée ; mais s’il en est ainsi, comment les états du nord ne s’aperçoivent-ils pas qu’ils rendent eux-mêmes la séparation inévitable ? Nous ne sommes plus au temps où il est possible de réduire par la guerre des populations aussi fières et énergiques que celles des états du sud, et où l’on peut faire la conquête de régions aussi vastes que celles qui sont occupées par ces populations. Que seraient pour l’Union les états du sud, si l’on parvenait à les conquérir ? Une Irlande des mauvais jours, une Hongrie, une Pologne. Pour garder à ses flancs une pareille plaie, l’Union américaine serait obligée d’abandonner ses institutions, de s’asservir elle-même, car comment une république fédérale pourrait-elle gouverner par la force un si grand territoire et tant de millions d’hommes hostiles à sa domination ? Nous ne sommes point surpris qu’en considérant l’impasse où sont arrivés les États-Unis, plusieurs personnes commencent à parler de la nécessité d’un prompt arrangement entre les deux sections de la république. Il faut prendre garde aussi au côté de cette désolante crise qui affecte les intérêts européens. La prolongation de la guerre, c’est la durée du blocus qui ferme les ports du sud, c’est la sus-