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troupes françaises. Tout le reste n’avait à ses yeux que peu d’importance. La lettre dans laquelle lord John Russell informe lord Dufferin de l’abandon de son plan contient bien quelques signes de mauvaise humeur contre la Porte-Ottomane; mais, au fond, c’est la lettre de quelqu’un qui a pris vite son parti et sans beaucoup de regrets. « Depuis que j’ai informé votre seigneurie de l’approbation que le gouvernement de sa majesté avait donnée à votre plan de pacification en Syrie, écrit lord John Russell à lord Dufferin le 1er février 1861[1], des obstacles d’une nature sérieuse ont empêché l’adoption définitive de ce plan. Les ministres du sultan, y voyant une atteinte à la souveraineté de la Porte et l’établissement d’une demi-indépendance, ont déclaré que la Porte n’y consentira pas. M. Thouvenel, d’un autre côté, voulant conserver la demi-indépendance du caïmacan chrétien, telle qu’elle avait été établie en 1842 et 1845, déclare que la France considère le maintien de cet arrangement comme la condition indispensable de l’organisation prochaine. Les deux puissances demandent donc que les délibérations de la commission se bornent à l’organisation du Liban. En présence de ces difficultés et de la nécessité d’une prompte évacuation de la Syrie par les troupes européennes, j’ai à vous donner pour instruction : 1° de maintenir la caïmacamie chrétienne établie en 1842 et 1845, 2° de borner les travaux à l’organisation du Liban, 3° de demander à la Porte de lever immédiatement une contribution de 200,000 livres sterling au moins, et de l’employer à la reconstruction des villages de la montagne. »

J’ai expliqué déjà comment les efforts de la commission internationale avaient échoué sur la question de l’indemnité comme sur celle de la punition des crimes commis ou tolérés par les officiers turcs[2]. Je ne reviens pas sur ce point; je devrais peut-être même, laissant de côté le plan de lord Dufferin, puisqu’il est repoussé par la Porte-Ottomane et par la France, abandonné par l’Angleterre, examiner le plan qui a été définitivement adopté et en montrer les avantages et les inconvéniens. Je ne puis pas cependant ne pas faire quelques réflexions sur ce plan de lord Dufferin, qui a eu une grande place dans les négociations de Syrie, qui pourra peut-être la retrouver dans l’avenir, parce qu’il est conforme, selon moi, à la situation de l’empire ottoman.

Et d’abord pourquoi la France a-t-elle rejeté ce plan? Ici je me mettrai fort à mon aise. Je n’ai pas hésité à montrer ma préférence pour le plan de lord Dufferin, et je n’hésite pas cependant à décla-

  1. Documens anglais, p. 364, n° 279.
  2. Voyez la livraison du 1er août.