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voyer la cavalerie légère de Subervie et de Domon éclairer sa droite. Cette cavalerie prit position en potence en-deçà du bois de Paris; l’ennemi put s’y engager sans trouver aucun obstacle. Les étrangers avouent aujourd’hui qu’une seule division d’infanterie embusquée dans ce bois aurait suffi pour arrêter longtemps Bulow au passage des défilés et le rejeter sur la droite, dans la ligne de marche du corps de Ziethen, qui n’atteignit pas le champ de bataille avant sept heures du soir. Il était, pensent-ils, d’une si grande importance de retarder ou d’empêcher la coopération des Prussiens que l’empereur aurait pu même détacher dès lors contre eux tout le corps de Lobau; mais, après avoir laissé les Prussiens s’engager dans le défilé sans aucun empêchement, on les laissa encore se rallier, se former en toute sécurité sous le couvert du bois de Paris, y organiser leurs mouvemens comme dans un champ de manœuvre.

D’après les relations de Sainte-Hélène, il semble que l’ordre ait été donné à Lobau de sortir des lignes et de se porter avec ses 10,000 hommes au-devant du corps de Bulow presque en même temps que la cavalerie de Domon et de Subervie ; mais on est aujourd’hui unanime à contester cette partie de la relation. Les Anglais, les Prussiens, ont vu distinctement les premiers mouvemens du corps de Lobau. Tout le monde s’accorde à dire que le mouvement de l’infanterie s’est opéré très longtemps après celui de la cavalerie légère, et lorsqu’il était trop tard pour disputer les défilés. Autrement il serait incompréhensible que Lobau fût resté, comme il l’a fait, dans la plaine ouverte, sans point d’appui, en-deçà du ravin, s’il avait été détaché assez tôt pour occuper et défendre le débouché du bois et du ruisseau de Lasnes; mais l’ennemi franchit sans obstacle ce ruisseau, changé alors en marécage. La meilleure raison qu’on puisse donner de ces délais, c’est que Napoléon ne voulut faire qu’à la dernière extrémité un détachement de 10,000 hommes de ses meilleures troupes sur sa droite. Il hésitait à se priver si tôt de cette puissante réserve d’infanterie, à l’engager avec les Prussiens dans le moment même où il allait exécuter sur son front l’attaque décisive contre les Anglais.

En effet, pendant cette délibération, le corps du général d’Erlon avait achevé de se former. Ce corps n’avait eu encore aucune rencontre sérieuse avec l’ennemi. Il était impatient de prendre sa revanche de la journée des Quatre-Bras, où il avait erré, sans coup férir, entre deux batailles. Napoléon, de la butte de Rossomme, était un peu loin pour que le détail des préparatifs n’échappât point à sa vue; mais il pouvait s’en fier à ses généraux du soin d’organiser leurs colonnes : c’étaient de vieux tacticiens rompus à toutes les ressources de l’art. Comment croire qu’il pût y avoir le moindre in-