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ration ; mais cette multitude ainsi ramassée ne pouvait manquer d’être labourée, écharpée, désorganisée par l’artillerie, ou sabrée par la première charge de cavalerie sur ses flancs que cette ordonnance laissait entièrement à découvert et désarmés.

Quoi qu’il en soit, les quatre divisions de d’Erlon, ainsi formées, dépassent la ligne de batteries qui les protègent; elles descendent dans la vallée et commencent à gravir les hauteurs opposées. La division Donzelot était sur la gauche. Une de ses brigades se détourne pour attaquer la ferme de la Haie-Sainte; le reste, appuyé à la grande route, continue de marcher en avant, en laissant un rideau de tirailleurs sur la gauche. L’ennemi attendait, couché ventre à terre le long du chemin creux; c’était, en première ligne, la brigade hollando-belge de Bylandt, ses tirailleurs déployés sur son front. Les Anglais racontent qu’à l’approche de la colonne française, qui couvrait le bruit des armes de ses cris de vive l’empereur! les Hollando-Belges cédèrent le terrain; ils s’enfuirent en désordre, à travers les rangs anglais, au milieu des imprécations de l’armée : les Français pénétrèrent dans la ligne, par cette trouée, de l’autre côté du chemin creux; mais les Belges répondent à cette accusation que plusieurs de leurs bataillons, qui jusque-là étaient restés couchés en arrière du chemin, se relevèrent dès que les Français furent arrivés à portée de pistolet. Ceux-ci, au lieu de charger à la baïonnette, s’arrêtèrent pour tirer. On se fusilla de si près que la bourre des cartouches entrait avec la balle dans les blessures. En même temps le général Picton, avec les deux brigades de Kempt et de Pack, déborde la colonne française et l’enveloppe de feux. La colonne cherche vainement à déployer sa lourde masse, elle ne peut y réussir. Bientôt écrasée, sans moyen de résister ou de se venger, elle repasse en désordre le chemin creux, et redescend la pente qu’elle vient de gravir. Le général Picton s’avance pour la poursuivre; il est tué d’une balle qui lui traverse la tempe.

Un peu après Donzelot, les divisions de Quiot, de Marcognet, de Durutte, arrivent successivement sur la crête du plateau : elles traversent le même chemin creux, elles débouchent dans le plus grand ordre; mais là elles rencontrent les régimens déployés des highlanders qui les couvrent de feux croisés, elles ne peuvent y répondre que sur un point et par leur front. Dans les intervalles des bataillons écossais passent les escadrons écossais de la grosse cavalerie de Ponsonby. On les entend crier, en se reconnaissant : Vive l’Ecosse ! Les têtes de colonnes de Quiot, de Marcognet et de Durutte, séparées du gros de leurs divisions par les accidens de terrain, sont fusillées et sabrées. Elles cèdent. Le reste de ces colonnes, qui gravissaient le côté extérieur du plateau, entendant la mousqueterie en avant,