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Cependant Lobau, avec ses deux divisions d’infanterie Simmer et Jeannin de 7,500 hommes, avait changé sa première direction; il marchait résolument au-devant de ces nouveaux ennemis. Pour s’appuyer, il n’avait que le village de Planchenoit, au milieu des champs ouverts, où les Prussiens ont élevé un petit monument de fer pour consacrer le souvenir de cette première rencontre. Canonnée par des batteries qui la prenaient en écharpe, la cavalerie de Domon et de Subervie, après un engagement avec les escadrons du prince de Prusse, dut se retirer en seconde ligne. Tant que Lobau n’eut en tête que la moitié du corps de Bulow, il le contint, il fit même des progrès sur lui; mais en moins d’une heure, c’est-à-dire à cinq heures et demie, les deux autres divisions restées en arrière, celles de Hacke et de Ryssel, avaient atteint à leur tour le champ de bataille : elles débouchaient de Lasnes en colonnes serrées. Aussitôt Blücher, présent à l’attaque, fit déployer les masses sur la gauche prussienne, de manière à déborder Lobau et à le séparer de Planchenoit. Les Prussiens menaçaient ainsi la chaussée de Charleroi, seule retraite de l’armée. C’était le moment où Ney demandait avec instance l’appui d’un corps d’infanterie pour s’établir sur le plateau. Ainsi Napoléon pouvait alors se croire vainqueur sur le front; mais le flanc droit était ébranlé, presque entrouvert : il n’y avait pas un moment à perdre pour le raffermir et arrêter de ce côté le progrès de l’ennemi. Descendues des hauteurs, les quatre-vingt-six bouches à feu de Blücher prenaient l’armée française en écharpe et à revers. Leurs boulets ricochaient sur la ligne de retraite.

Débordés sur les deux ailes, les 10,000 hommes de Lobau sont obligés de céder en plaine aux 30,000 de Bulow. Cependant Lobau les retire en échiquier, lentement, posément; la première ligne se replie par les intervalles. Elle se remet en bataille derrière la seconde, qui ouvre alors le feu et soutient le combat jusqu’à ce qu’elle cède à son tour pour faire volte-face un peu plus loin et repousser les assaillans. Lobau dirige cette suite de combats alternatifs avec la régularité d’un champ de manœuvre; mais il est menacé de perdre son point d’appui dans le village. Napoléon lui envoie le général Duhesme avec huit bataillons de la jeune garde et vingt-quatre pièces de canon. Les deux divisions prussiennes Hiller et Ryssel se massent en trois colonnes; elles enveloppent Planchenoit, elles y pénètrent, elles vont l’arracher à la jeune garde. On se fusille à trente pas dans le cimetière. Ce village avec ses vergers, ses jardins, ses enclos, ses débouchés vers Maison-le-Roi, c’est le bastion qui flanque la ligne de retraite. Il est emporté. Le général Morand, avec quatre bataillons de la vieille garde, accourt pour le reprendre. Sans tirer, il en chasse les Prussiens à la baïonnette; ses bataillons s’établissent