Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 35.djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnée positive la marche d’un corps d’armée avec son artillerie, que l’on tienne compte du défilé sur les deux ponts étroits de la Dyle, et l’on se rapprochera des huit heures que M. le colonel Charras assigne à cette marche avec une exactitude dont j’ai trouvé la preuve à chaque pas.

Après les distances, considérez les lieux. Si Grouchy eût marché au canon, il eût trouvé devant lui jusqu’à Nil-Saint-Vincent un terrain découvert, de vastes prairies, puis, par-delà Corbaix, un sol ondulé, qui se termine en ravin. Là, il fût descendu par une pente aisée vers la Dyle, large de 7 mètres, profonde et rapide. Il l’eût passée sur les deux ponts maçonnés de Moustier et d’Ottignies, à un quart de lieue l’un de l’autre. De Moustier à Giroux, d’abord un court défilé, puis bientôt des plateaux étendus sur une terre sablonneuse. C’est seulement sur le revers de ces plateaux, vers Maransart, qu’il eût rencontré un terrain escarpé; mais alors il était près du champ de bataille, il le dominait, il serait vu de toute l’armée : ce voisinage doublerait ses forces. Ce n’est pas en arrivant au but qu’il pouvait le manquer.

Tels sont les lieux et les distances; voyons quelle lumière il en peut ressortir. Les uns pensent que Grouchy eût pu arriver sans obstacle, vers sept heures, sur le champ de bataille; ceux-là s’autoriseront de la facilité des lieux, tels qu’ils viennent d’être décrits. D’autres supposent avec plus de raison que l’armée prussienne eût attaqué Grouchy dans quelque position intermédiaire, rangée derrière la Dyle, et lui eût barré la route; mais ils reconnaissent que si la victoire était devenue difficile aux Français, le désastre eût été infailliblement moindre, puisque la moitié des troupes prussiennes n’eussent pu paraître à Waterloo. D’autres enfin, et de ce nombre est M. le colonel Charras, pensent que la marche de Grouchy au canon n’eût diminué en rien ni l’étendue, ni les chances du désastre; les motifs que M. le colonel Charras en apporte sont assurément considérables. Il allègue en effet que, les corps prussiens, partis de Wavre à midi, ayant mis sept heures et demie pour atteindre le duc de Wellington, l’armée de Grouchy aurait mis certainement plus de temps, puisqu’elle avait un chemin plus long à faire; elle serait arrivée à neuf heures, peut-être à dix, après que tout aurait été fini. En supposant que Blücher eût voulu arrêter Grouchy dans sa marche, il se serait contenté de lui opposer en tête, en queue et sur les flancs les corps de Pirch et de Thielmann, et il aurait continué d’aller frapper le grand coup à Waterloo avec les corps de Bulow et celui de Ziethen, dont la seule intervention à la fin de la bataille a suffi pour rendre la victoire au duc de Wellington. Tout ce qu’il y aurait eu de changé en suivant le conseil de Gérard, c’est que le corps de