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laire assez commune aux édifices italiens. Est-ce la manière de bâtir, ou n’est-ce pas plutôt l’instabilité du sol qui produit de tels dérangemens? On n’a point remarqué que les tremblemens de terre, qui sont assez fréquens, aient eu des effets appréciables; mais si, comme on l’avait prétendu, ces irrégularités étaient l’ouvrage de l’art, elles dénoteraient une inspiration malheureuse, et aucune ne peut produire d’autre impression que celle de la surprise et d’un certain malaise. La tour de Bologne, monument grossier, y perd cet aspiring character que les Anglais reconnaissent à tout ce qui est mince et vertical. La tour de Pise, monument travaillé et orné, prend l’air d’un jouet chinois, en perdant l’aspect de solidité d’une construction régulière. Néanmoins ces accidens ont manifesté, grâce à la ténacité des matériaux, des effets si singulièrement contraires aux lois de la pesanteur, qu’on se demande si, avec du goût et de l’habileté, il n’y aurait pas moyen de profiter de cette propriété pour réaliser certaines configurations hardies qui agrandiraient les ressources de l’art.

Bologne est une de ces villes qui ont justement donné leur nom à une école de peinture. L’art n’y commença pas (où a-t-il commencé?); mais une fois que les procédés élémentaires du métier, comme on les connaissait il y a six ou sept siècles, eurent été introduits dans ses murs, un mouvement original dont on sait la date y prit naissance. L’admiration s’attachait alors au talent dans cet art qu’on appelle à Paris enluminer[1]. Oderisi était, selon Dante, l’honneur d’Agobbio et de cet art; mais l’honneur passa aux cartons que peignait Franco le Bolonais :

<poem>... Le carte Che prunellegia Franco Bolognese[2].


On montre encore dans sa patrie une madone de lui datée de 1313 et des restes de peintures conservés au Campo-Santo. Il fut bientôt suivi de Vitale, surnommé dallo Madonne, et de Gimone, dit del Crocefissi. Leurs surnoms désignent leurs œuvres. En ce temps-là surtout, un peintre recommençait toujours le même tableau. Deux ouvrages, l’un de Vitale, l’autre de Simone, se voient à Bologne dans la première salle de la pinacothèque à l’Académie des Beaux-Arts. Ils suffisent pour les faire apprécier tous deux. Le Crucifié de Simone en rappelle un autre de la même main qu’on voit à l’église de Saint-Jacques-le-Majeur. Ces crucifiés sur bois étaient souvent découpés en forme de croix, et devenaient de véritables crucifix peints.

  1. ... Quell’arte Ch’alluminare è chiamata in Parisi. (Purgat., XI, 81.)
  2. Dante, Ibid.