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gueur couverte de belles mosaïques qu’on dit exécutées entre 553 et 566, après la chute du royaume des Goths. On a osé les comparer à cette procession des panathénées qui illustre la frise du Parthénon. C’est la même chose en effet, sauf la différence des esprits, des temps, des écoles. Nous ne sommes point ici dans la sphère de la beauté suprême; mais cependant il nous reste matière à l’admiration. Au côté gauche (c’était dans l’église le côté des femmes) de la ville de Classis, reconnaissable à son port et à ses vaisseaux, semble partir une procession de vingt-deux femmes vêtues de blanc, portant chacune à la main une couronne. Elles suivent une allée de palmiers. Du moins un palmier, emblème de la victoire du martyre, les sépare-t-il toutes l’une de l’autre. Elles marchent d’un pas lent, conduites par les trois mages en costume asiatique, et vont offrir leurs couronnes à la Vierge, placée avec l’enfant divin sur un trône au milieu des anges. On voit que l’église n’était plus arienne. La mère et l’enfant font le geste de la bénédiction. Marie a passé la jeunesse; elle porte un voile, et le nimbe orthodoxe éclaire sa tête. On croit que c’est la plus ancienne image qui la présente avec les attributs d’un être qu’on doit adorer. Ce ne serait pas au reste le nimbe qui déciderait la question, puisqu’on le donnait aux empereurs. Il est vrai que l’idolâtrie impériale était une des religions du temps, sorte de religion qui trouvait plus de sacrilèges que d’incrédules. Du côté droit de la nef, sur la frise correspondante, on reconnaît une image de Ravenne à sa basilique de Saint-Vital et à l’ancien palais de Théodoric, qui porte écrit palatium. Des saints, au nombre de vingt-cinq, en robe blanche ou de couleur claire et munis aussi d’une couronne, vont rendre hommage au Christ, dont quatre anges entourent le trône. Ces mosaïques à fond d’or sont admirablement conservées et d’un bel effet. Les têtes sont peu étudiées, mais d’un noble dessin. D’autres mosaïques, représentant des apôtres et de saints personnages, remplissent l’entre-deux des fenêtres percées dans la partie supérieure de la cage, et au-dessus des sujets bibliques, exécutés de même, complètent la décoration. On dit qu’un travail moins habile leur assigne une date plus récente. Au-dessus de la grande arcade du chœur, que les anciens appelaient l’arc de triomphe , le même système d’ornement a été continué, et le fond de l’abside en a sa part, quoique l’éclat en soit moindre et que le temps y fasse sentir ses atteintes; mais il n’a pu mordre sur cette variété de beaux marbres qu’on retrouve ici comme partout à Ravenne. Enfin une chaire de marbre posée sur un pied-droit de granit offre des ciselures gothiques qui ne prouvent cependant pas qu’elle ait été mise là par les Goths. Du moins les monumens de Théodoric n’ont-ils pas ce caractère; mais on sait que l’église a passé