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modeste, vue du côté de son pignon; car à sa gauche, auprès du bord du toit, s’élève comme une cheminée, et peu au-dessus du faîte, une tourelle qui serait des plus curieuses, s’il était vrai qu’elle fût, comme me l’a dit notre guide, le premier clocher qu’on ait bâti. Cependant cette église de Saints-Jean-et-Paul n’est mentionnée dans aucun livre, et je n’ai que l’autorité du cicérone. Il vaut donc mieux parcourir les rues de la désolée Ravenne, ces rues de grand village, tristes de silence, propres parce qu’elles sont désertes, où l’histoire de l’Italie depuis mille ans semble n’avoir pas laissé de traces, puis s’arrêter chaque fois qu’on rencontre une église, ressemblât-elle à une maison des champs ; mais il faudrait la science et la minutie d’un archéologue pour prêter un véritable intérêt à l’énumération des traits qui distinguent ces débris des vieux âges. Essayons, sans les décrire, de les caractériser dans l’ordre historique.

Le plus ancien de tous serait la cathédrale, si elle n’avait été rebâtie dans le siècle passé, et quoiqu’elle soit brillante de sa couleur vert tendre, belle de forme et ornée sans profusion, nous ne nous arrêterons même pas à quelques-uns des meilleurs tableaux du Guide; l’esprit tout plein des antiquités chrétiennes, nous regarderons plutôt dans la sacristie ces plaques courbes d’ivoire à figures ciselées qui ceignaient la chaire de saint Maximien, puis son siège épiscopal, un crucifix d’argent presque du même temps et quelques morceaux d’une ancienne porte en bois de vigne; puis nous sortirons pour voir le campanile, unique fragment de l’ancienne Basilica Orsiana, bâtie par saint Ursus, et qui, svelte et cylindrique, a pu être comparé aux minarets de l’Orient. Mais le vrai monument, c’est le Baptistère de Saint-Jean, tour octogonale peu élevée qui date du IVe siècle, et qui est restée en masse telle que l’a laissée une réparation de l’an 451. A l’intérieur, huit colonnes de marbre un peu enfouies correspondent aux huit angles et soutiennent sur leurs arcades une autre rangée de vingt-quatre colonnes qui diffèrent de style entre elles comme les premières, et qui comme les premières passent pour venir d’un ancien temple. Presque tout ce qui n’est pas colonne dans ce curieux édifice est comme pavé de mosaïques. Sous les arceaux du bas, des arabesques d’or sur un fond bleu entourent huit figures de prophètes dont l’ajustement rappelle les derniers jours de l’art antique. Plus haut, des moulures en stuc remplacent les mosaïques; des têtes de saints sont entremêlées à des figures d’animaux, puis les mosaïques reprennent et forment une ceinture composée de quatre autels portant les Evangiles, de quatre troncs portant des croix, de huit sièges épiscopaux et de huit tombeaux. En dedans de ce cercle sont les douze apôtres, les pieds sur la terre verte, adossés au ciel gros bleu et séparés par des acan-