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tous les points de l’horizon. Si le maréchal Ney eût su ce que nous savons aujourd’hui, nul doute qu’il n’eût cruellement puni le prince d’Orange d’une telle dissémination de ses troupes : il les aurait percées et rompues, il aurait occupé le point d’embranchement des routes ; mais quel eût été le grand résultat de cette occupation ? Aurait-il pu se maintenir aux Quatre-Bras ou dépasser ce point sans être enveloppé ? Dans tous les cas, si ce fut une faute d’avoir voulu marcher dès les premiers pas trop à coup sûr, on verra bientôt qu’elle a été exagérée, dénaturée, jusqu’à en changer entièrement le caractère

À mesure que Ney s’avance, précédé d’une ligne de tirailleurs, le prince d’Orange reploie ses postes et cède lentement le terrain. À droite, la division Bachelu marche contre le village de Pyraumont ; à gauche, le bois de Bossu est attaqué par le général Foy, dont le nom ne brillait encore que d’un éclat militaire. Il devait plus tard nous subjuguer par cette singularité d’un vieux soldat qui met au-dessus de la faveur de son chef l’ambition de la liberté. La division Jérôme est en réserve. Ney avait ainsi profité habilement des lieux pour appuyer ses deux ailes, formées de son infanterie, là où elles pouvaient trouver un soutien, dans le bois, les fermes, le village ; mais il avait réuni au centre sa nombreuse cavalerie, parce que là le terrain est ouvert et qu’elle pourra s’élancer sans nul obstacle sur des plans inclinés. Quant à l’ennemi, surpris, pressé par le temps et la nécessité, il n’a d’autre plan de bataille à ce moment que de jeter au plus vif du feu les troupes à mesure qu’elles arrivent, hors d’haleine, au rendez-vous.

Déjà, à trois heures moins un quart, le prince d’Orange aperçoit les colonnes anglaises qui se pressent de l’atteindre au pas de course. Ce sont les trois brigades d’infanterie de la division Picton ; elles rétablissent l’égalité du nombre. Cette division se déploie promptement sur deux lignes, en avant de la route de Sombref, pour tendre la main aux Prussiens. Presque en même temps arrive le duc de Wellington ; il est suivi de la brigade de cavalerie légère hollando-belge. Après Picton arrivent le duc de Brunswick et son corps, ce qui élève les forces ennemies à 18,090 fantassins, 2,000 chevaux, 28 pièces de canons. La supériorité du nombre a déjà passé du côté de l’ennemi.

Les Belges soutinrent le premier choc, et voici ce que des témoins oculaires racontent à ce sujet : ils disent que les chevau-légers, dès qu’ils débouchèrent, se formèrent pour attaquer. Un régiment français, des chasseurs de Piré, marche au pas au-devant d’eux. On vit de loin s’avancer les Français, non comme pour une attaque, mais plutôt comme dans une parade. Le sabre baissé et pendant, ils tendaient les mains aux Belges, et dès que l’on fut à portée de la