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tration des plus compliquées. Pour une population de vingt mille âmes, les documens officiels ne comptent pas moins d’un millier de fonctionnaires à un titre quelconque, sans parler de la garnison de terre et de mer : d’où un chiffre énorme de frais généraux qui doivent être, ou réduits à de plus simples proportions, ou répartis sur une population et une production plus considérables. Dès aujourd’hui, la moyenne d’impôts par chaque individu à la Guyane est de 23 francs. L’état complète le déficit par une subvention annuelle de 500,000 fr. au service local et par une allocation de 1,600,000 fr. au budget de l’état, double contribution qui ne peut s’alléger que par l’essor donné à la colonisation. Ce subside devrait singulièrement s’aggraver, pour peu que l’on cédât aux fantaisies, comme en l’année 1836, où l’on projeta un puits artésien pour le pays le mieux arrosé qu’il y ait sur le globe, tandis qu’en opérant avec une sage épargne, en rayonnant de proche en proche autour du centre, ne posant jamais, comme le poète italien dans le royaume invisible des ombres, un pas nouveau que le précédent ne soit affermi, on couvrirait peu à peu d’un réseau de communications praticables au moins la partie habitée de la colonie. Un canal latéral à la mer, de Cayenne au Maroni, serait particulièrement utile.

Nous nous étonnons qu’en présence de cette insuffisance de ressources financières, la pensée ne soit pas venue d’essayer de battre monnaie, comme les États-Unis, comme l’Angleterre, avec les terres et les forêts du pays. À l’origine, on concéda tout gratuitement, avec la munificence qui caractérise les gouvernemens de race latine ; on cédait au double désir de faire du bien et de faire acte de faveur. Les résultats furent, là comme partout, déplorables ; ils n’échappèrent pas à la perspicacité de Malouet. « On redemande des concessions de terre dans la Guyane, dit-il dans un de ses mémoires ; je propose de les vendre. Les Anglais, qui aiment à se rendre raison de leurs usages, disent que la concession des terres en Amérique est nuisible au défrichement, que le plus grand nombre de ceux qui se présentent pour obtenir des concessions, n’ayant pas le moyen de les mettre en valeur, en privent ceux qui seraient en état d’en tirer un meilleur parti ; qu’en vendant à un prix modique les terres à défricher, le colon aisé ou celui qui projette des établissemens n’en peut être empêché par une légère avance qui lui assure sa propriété, tandis que l’homme pauvre et stérile est dans l’impuissance d’usurper sa place. Ces raisons sont infiniment plus sensées que celles sur lesquelles nous fondons des concessions gratuites. » Malouet proposait donc d’adopter l’usage des Anglais en vendant la terre au plus bas prix possible. Une loi qui proclamerait la mise en vente, ajoutait-il, rappellera l’attention sur la Guyane. Nombre de par-