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rique dans les Deux Sieciech en opposant habilement les mœurs de l’ancienne Pologne et les mœurs de ce siècle, le zupan et l’habit moderne; tantôt, dans les Chants historiques, il réveillait tout un passé d’héroïsme et livrait à l’imagination populaire le récit des vieux exploits polonais, la ballade de l’hetman Zolkiewski; tantôt enfin il écrivait l’Histoire du règne de Sigismond III, racontant avec une verve passionnée la prise et l’incendie de Moscou par les soldats de Zolkievvski, au reflet d’un récent incendie qui donnait à ses pages une sorte d’intérêt tout présent. Même vaincu, l’historien aimait à tourner ce fer dans la plaie des Russes; c’était une représaille contre la fortune. Niemcewicz a épuisé réellement presque tous les genres de littérature, excepté la philosophie, qu’il n’aimait pas et dont il disait qu’elle kantait les têtes polonaises. Il écrivait des histoires, des tragédies, des romans, et il semait l’ironie sous la forme légère de fables presque toutes politiques et toujours sanglantes, déguisant à peine les personnages. C’était un fabuliste impitoyable.

Ceux qui ne cherchent dans les œuvres de l’esprit que la valeur esthétique, la science et l’art, ceux-là trouveront sans doute à reprendre dans tout ce qu’a écrit Niemcewicz; ils montreront des faiblesses de poésie dans ses chants, des omissions dans ses histoires, des préjugés, des emportemens, des légèretés; ils lui reprocheront de ne voir que l’incendie de Moscou dans le règne de Sigismond III. C’est que Niemcewicz n’était pas simplement un artiste écrivant pour écrire, se livrant dans une atmosphère paisible à toutes les délicates recherches de l’art et de la science, ou se complaisant à dérouler le tissu des événemens et des fictions. Il se servait de toutes les formes de l’esprit sous l’obsession d’une pensée unique, avec l’unique dessein de servir la bonne cause comme il pouvait, selon son expression. L’inspiration patriotique allumait son intelligence, et si le génie de l’histoire ou de la poésie lui faisait des reproches, il répondait moitié triste et moitié badin, sans triompher et sans plier le front : Civis polonus sum ! Ce cri du citoyen retentissait partout en terre polonaise. Les chants historiques étaient répétés dans les salons et sous le toit du pauvre. Le Règne de Sigismond III était, il est encore un des tableaux les plus vifs et les plus attachans, un de ces livres où la jeunesse ne cesse d’aller puiser le sentiment de la grandeur nationale. Une autre chose à remarquer et qui explique comment, sans atteindre la perfection de l’art, Niemcewicz a été un des hommes le plus populaires, c’est que patriote, écrivain, il avait le don d’initiative que je signalais en lui. Le premier dès la grande diète, il se sert du journal et crée la comédie politique par le Retour du Nonce. Le premier, plus tard, il ébauche