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puissans ne sont guère que les serviteurs du temps et des circonstances. » On ne manque pas, pour soutenir cette espérance passive et s’aider à gagner du temps, d’une argumentation plausible dans sa vulgarité. N’est-il pas naturel, se dit-on, que Rome et la papauté, frappées à la longue des embarras de leur situation, se lassent enfin de leur résistance, entrent dans les voies libérales, se réconcilient avec la civilisation, se rallient aux tendances manifestées ou aux principes avoués par les peuples catholiques sur lesquels elles règnent, et mettent un terme au déchirement qui fait nos difficultés présentes ? N’est-il pas évident que la papauté devra finir par comprendre sa position et apprécier ses intérêts véritables ? Alors elle reviendra à la politique généreuse que Pie IX avait inaugurée dans la première période de son pontificat, politique qui le couvrit de popularité et de gloire, et fit entrevoir dans une courte lueur le retour des plus beaux jours de la papauté. Sans doute l’église est lente à se décider. C’est une institution éternelle. Il faut donc comprendre ses tergiversations et ses hésitations. Elle est tenue de se défier des innovations, et c’est par ses lenteurs mêmes qu’elle en éprouve la sûreté et la justice. Voilà comment les catholiques libéraux et certains esprits conservateurs amusent les angoisses de la situation, et s’encouragent à trouver un motif d’espérance dans la durée indéfinie du provisoire.

Nous respectons à coup sûr le sentiment qui inspire cette espérance naïvement infatigable ; mais deux raisons péremptoires nous empêchent d’y céder : l’une est une raison pratique, l’autre est une raison de principe. Même si l’on n’envisage la question romaine qu’au point de vue de la politique ordinaire, les événemens accomplis et les positions prises ne comportent plus les compromis qui à une autre époque étaient désirables plus encore que possibles : cette heure qui ne se présente qu’une fois pour les transactions politiques, l’heure de l’opportunité, est depuis longtemps passée pour une demi-solution de la question romaine ; mais on conserve peu de regrets pour l’occasion perdue, lorsque, s’élevant à l’examen des nécessités fondamentales qui sont aux prises dans cette question, on acquiert la conviction sincère qu’elle ne saurait souffrir une demi-solution.

On pouvait se bercer de l’illusion d’une réconciliation possible de la papauté avec le libéralisme et avec l’Italie il y a douze ans, lorsque notre armée rendit Rome à Pie IX. Il y avait encore à Rome alors des élémens qui auraient pu se prêter à une combinaison libérale de gouvernement, si le pape avait cru pouvoir de son côté accepter une telle combinaison. Les constitutionnels de Rome avaient franchement accepté le statut, la charte parlementaire donnée par