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les martyrs de la victoire de la nouvelle loi sur l’ancienne. Les victimes que le destin ou la Providence a ainsi touchées de son sceau sont sacrées. Ceux qui comprennent le sens des révolutions inévitables ne sauraient épuiser le respect et la sympathie qu’ils leur doivent. Vous voudriez que le saint vieillard à qui les clés ont été données, et qui est le dépositaire et l’interprète de la vérité, que ce prêtre à qui vous avez en même temps confié le pouvoir politique livrât sa souveraineté à la dispute, au doute, à la contradiction, et de ses propres mains distribuât les armes dont, suivant sa foi, ce qui est le mal et l’erreur pourrait se servir contre la vérité ! Soyez justes : épargnez son âme, ne l’exhortez pas au sacrilège, ne le tentez pas ; cessez enfin de mettre sa conscience au supplice. Il serait plus franc et plus humain de lui retirer tout de suite ce pouvoir qui vous sert de prétexte pour le torturer et l’humilier sans relâche. Du moins il ne serait plus sollicité à faire de son autorité un usage qu’il juge incompatible avec ses devoirs. Soyez sûrs qu’il préférerait mille fois sa chute au péril d’une prévarication. Dépouillé pour avoir été le plus faible, cédant dans l’ordre purement temporel à une force supérieure, il aurait après tout la consolation de ne se sentir responsable d’une révolution irrésistible ni devant Dieu, ni devant sa conscience, ni devant les hommes. Lui aussi alors, il n’aurait, comme nous tous, de recours qu’en la liberté. Il y retremperait son prestige religieux, son autorité spirituelle, et quant à la liberté elle-même, elle puiserait dans cette conquête une solidité et une force de développement jusqu’à ce jour inconnues dans la plupart des pays catholiques.

III.

Il n’y a donc qu’une solution : il faut que le seul vestige de théocratie qui subsiste encore soit effacé, il faut que la papauté se dépouille de la souveraineté temporelle, et qu’au prix de son renoncement à un pouvoir précaire, nominal, qui n’est plus qu’un fantôme, l’église catholique reconquière en droit et en fait la plénitude de sa liberté.

M. de Cavour a eu sans doute l’honneur d’être le premier homme d’état qui ait proclamé cette solution ; il a eu la gloire d’attacher définitivement les destinées nouvelles de l’Italie au plan d’une émancipation complète et radicale de l’église catholique. On se tromperait cependant, si on lui attribuait l’initiative de cette idée. Son mérite, et il est assez grand, est d’être le premier organe des gouvernemens contemporains qui ait donné à ce dessein un acquiescement cordial et sans réserve ; mais l’idée de reconquérir la liberté