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système d’élection donnerait en Italie à l’épiscopat et à l’église un ressort et une vigueur qu’un gouvernement libre pourrait seul endurer. Le corps des évêques deviendrait en effet ainsi la représentation des intérêts et des sentimens religieux des croyans, et en Italie les croyans sont tout le monde. Contre une telle puissance, toujours enracinée et se retrempant sans cesse dans le sentiment populaire, quel gouvernement oserait prendre un rôle d’agression et d’oppression  ? Certes, quand on évoque ainsi la perspective de l’église libre dans l’état libre, la résistance à laquelle on pourrait s’attendre ne devrait pas, ce semble, venir des catholiques. On comprendrait que les jurisconsultes et les politiques qui ont vieilli dans la crainte routinière des empiétemens de l’église, qui ont blanchi dans les luttes chicanières contre les empiétemens réels ou prétendus du clergé, qui dans cette antique tradition de défiance ont contracté des préjugés invétérés contre l’autorité spirituelle du saint-siège, se révoltassent à la pensée d’une pareille perturbation jetée dans les rapports de l’état avec l’église. On comprendrait que les gouvernemens catholiques dont les peuples ne jouissent point encore d’une liberté politique aussi avancée que celle du nouveau royaume italien vinssent élever la voix contre un ordre de choses qui les contraindrait à se désarmer de leurs pouvoirs excessifs et à marcher plus rapidement qu’ils ne le voudraient dans la voie des libertés politiques et religieuses. Faudra-t-il donc que les catholiques, aux dépens des intérêts qui doivent leur être le plus chers, prêtent un aveugle concours à l’alliance ancienne, mais aujourd’hui aussi fragile qu’odieuse, des deux tyrannies ?

Nous ne cherchons point à nous bercer d’illusions ; mais nous aimons à espérer que les catholiques de notre pays qui sont animés d’un vrai zèle religieux et d’un libéralisme sincère ne s’obstineront point dans des erremens funestes. Nous n’attendons point d’eux un changement soudain d’opinion à l’égard de la question romaine. Ce serait beaucoup, s’ils consentaient à considérer de sang-froid des perspectives de cette question qu’ils ont jusqu’à présent négligées. Nous souhaitons que les aspects nouveaux que les Italiens ont ouverts sur cette question leur deviennent familiers, car ils sont trop favorables à leurs aspirations vers la liberté de l’église pour qu’ils ne finissent point à la longue par leur devenir attrayans. C’est en grande partie l’objet que nous nous sommes proposé en groupant ici les faits qui démontrent que le gouvernement temporel a vicié la constitution et le gouvernement de l’église, ceux qui prouvent que le gouvernement temporel est incompatible avec l’ordre de la civilisation moderne, ceux qui établissent qu’il est possible de terminer