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de l’Autriche. Deux documens récens et diversement remarquables sont venus de deux côtés différens éclairer la question hongroise ; mais ni l’un ni l’autre n’autorise l’espoir d’une conciliation pratique. Nous voulons parler du discours prononcé par M. de Schmerling devant le Reichsrath sur les affaires de Hongrie et des paroles adressées par le primat de Hongrie au comitat de Gran. Le discours de M. de Schmerling a été un événement à Vienne. Jamais encore le gouvernement autrichien n’avait déclaré avec autant d’énergie la résolution de pratiquer les institutions libres. Les protestations de M. de Schmerling à cet égard ont paru si sincères, qu’elles ont rallié au gouvernement un certain nombre de ses adversaires. Il ne semble malheureusement pas qu’elles puissent avoir la même vertu auprès des Hongrois, surtout quand on les rapproche du discours du primat de Hongrie. Il ne serait pas permis de ne pas attacher une grande importance au langage du chef de l’église catholique en Hongrie. Le zèle avec lequel ce prélat a pris part aux négociations qui se sont poursuivies depuis le rescrit du 20 octobre 1860 entre la cour de Vienne et la Hongrie, la popularité qu’il possède auprès de ses compatriotes, les sentimens de loyale fidélité qu’il exprime envers l’empereur, tout concourt à donner une autorité sans égale aux paroles qu’il emploie pour protester en faveur de la constitution historique, pour célébrer le patriotisme de la diète qui vient d’être dissoute, pour maintenir les droits de la Hongrie à conserver l’intégrité de ses institutions traditionnelles. En lisant ce discours, où les sentimens conservateurs et les sentimens libéraux s’entrelacent et se fortifient par leur étroite alliance, on se demande par quelle fatalité l’Autriche ne sait point tirer parti d’un esprit tel que celui qui anime la Hongrie. Voilà une des rares nations du monde qui fondent leurs libertés non sur une théorie rationnelle, mais sur le droit historique ; voilà d’autre part un gouvernement monarchique qui invoque, lui aussi, le droit historique, puisqu’il s’appuie sur le principe de la légitimité, un gouvernement monarchique qui entre dans les voies de la liberté constitutionnelle, et ce gouvernement ne sait pas s’entendre avec cette nation ! Il y a là un contre-sens politique que l’on ne sait comment expliquer. Tout en déplorant la rupture qui s’est accomplie par la dissolution de la diète, le primat de Hongrie a dit qu’il ne désespérait pas encore du triomphe des droits de la nation magyare. On a besoin d’une autorité semblable pour ne pas se laisser aller à regarder comme irréparable le malentendu qui sépare la Hongrie de l’empereur d’Autriche.

En Allemagne, la politique est loin, grâce à Dieu, de présenter le caractère dramatique qu’elle conserve, même pendant les entr’actes, en Italie, en Hongrie et en Pologne. Quoique les Allemands se laissent parfois trop aller aux inquiétudes et aux anxiétés que leur inspirent les complications dont ils sont environnés, ils ont du moins le bon esprit de tempérer leurs préoccupations par ces réunions politiques, scientifiques, littéraires, qui, formées