Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 35.djvu/635

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LE FOU YÉGOF
ÉPISODE DE L’INVASION

DERNIÈRE PARTIE.

XV.

Durant toute la bataille jusqu’à la nuit close, les gens de Grandfontaine avaient vu le fou Yégof debout à la cime du Petit-Donon, la couronne en tête, le sceptre levé, transmettre, comme un roi mérovingien, des ordres à ses armées imaginaires. Ce qui se passa dans l’âme de ce malheureux quand il vit les Autrichiens en pleine déroute, nul ne le sait. Au dernier coup de canon, il avait disparu. Où s’était-il sauvé ? Voici ce que racontent à ce sujet les gens de Tiefenbach.

Dans ce temps-là vivaient sur le Bocksberg deux créatures singulières, deux sœurs, l’une appelée la petite Kateline, et l’autre la grande Berbel. Ces deux êtres déguenillés s’étaient établis dans la caverne de Luitprandt, ainsi nommée, disent les vieilles chroniques, parce que le roi des Germains, avant de descendre en Alsace, fit enterrer sous cette voûte immense de grès rouge les chefs barbares tombés dans la bataille du Blutfeld. La source chaude qui fume toujours au milieu de la caverne protégeait les deux sœurs contre les froids rigoureux de l’hiver, et le bûcheron Daniel Horn de Tiefenbach avait eu la charité de fermer l’entrée principale de la roche avec de grands tas de genêts et de bruyères. À côté de la source


Voyez la Revue du 1er et du 15 septembre.